Wednesday 9 November 2011

À la vie, à la mort!

Cette semaine, ma fille de 4 ans, Bianca, aperçoit une brebis morte dehors près de la bergerie. Nous marchions, j'avais Agathe, 1 an 1/2, dans les bras et nous allions donner de l'eau à mes deux vieilles juments dans un pré éloigné.
«Pourquoi il est mort le mouton Maman?»
– «C'est une brebis, ma chouette, et elle était très maigre, malade, et on a pas pu la soigner».
«Pourquoi elle était malade le mouton, Maman?»
– «Elle a maigri sous sa laine sans qu'on s'en aperçoive, elle a nourri ses petits de la fois d'avant trop longtemps, elle s'est fait tasser par les autres pour manger et elle a dépéri. Ça arrive ma chouette et ça fait pas plaisir à Papa pis Maman»
«Min pourquoi la mouton il est là?»
– «Parce que Papa l'a sorti pour aller la porter loin, loin»
«Le mouton il était maigre pis il a eu des bébés pis là il a pas mangé pis là il est mort!»
– «C'est ça, ma chérie».
Ouf!
On s'est rendues jusqu'au champ, donné de l'eau aux juments, flatté leur nez doux comme du velours et on a pris le chemin du retour. Mon chum avait apporté une balle ronde neuve avec le tracteur et avait déroulé la première couche moins bonne et la brebis morte était recouverte.
«Il est où le mouton Maman?»
– «Papa a du s'en occuper ma chouette».
«L'est parti?».
– «C'est ça.»
On rentre dans la bergerie et la première chose que Bianca aperçoit c'est un agneau naissant, mais mort près d'un parc.
«Maman le bébé il est-tu mort?»
–Oui, ma chouette, le bébé est mort-né, ça arrive.»
On passe le triste petit cadavre et on observe des agneaux de quelques semaines qui bondissent partout et profitent du repas de leur mère pour les têter allègrement. Certains tentent même de voler du lait à des brebis qui ne sont pas leur mère. Nous avons quelques brebis vieillissantes, mais encore vaillantes, dont le pis est fatigué. Les bien-portantes seront réformées, c'est à dire quand-même envoyées à l'encan où elles prendront le chemin d'une usine de croquettes à chien après l'abattoir, les pires cas seront réformés à la ferme, c'est-à-dire égorgées sur place et enterrées très creux.
J'attrape un agneau par une patte arrière, au dessus du jarret et lui fait la prise du «Little Beaver» pour l'immobiliser et que les enfants le flattent doucement. Sa laine est fine, serrée, son nez est rose et il sent bon la lanoline derrière les oreilles. J'en profite pour enfouir mon nez dans son cou et prendre une bonne snif. Je libère l'agneau qui bêle un bon coup avant lever le nez, repérer sa mère à l'odeur et se précipiter sur son pis pour se soulager de sa frayeur.
«Il est pas mort, han Maman, le mouton»
– «Non, ma Chérie, il est bien vivant»
«Maman, on va tu le manger le mouton?»
– «Oui, ma chouette, il va se faire manger le mouton, quand il va être grand, quand il sera pus cute pis qu'y va vouloir nous rentrer d'ins jarrets. Là on va être content de le manger, crois-moi!»
«Ben moi y'aime pas ça quand les moutons y rentrent dans les jarrets».
–Ben tu vois, la vie est bien faite, han?»
«Han.»

Les nègres blancs d'Amérique

Selon Wikipedia L'esclavage est le système socio-économique reposant sur le maintien et l'exploitation de personnes dans la condition d'esclaves.
L'esclave peut dépendre de toute autorité : personne, groupe, organisation ou encore État. L'Académie française ajoute à cela, par extension, toute« institution sociale fondée sur l'existence d'une classe d'esclaves »4
Par analogie, l'esclavage est donc l’« état, [la] condition de ceux qui sont soumis à une tyrannie, à une autorité arbitraire ; asservissement, servitude. »5.
Par extension, « se dit d'une personne qui se tient dans un état d'assujettissement, de dépendance, qui subit l'empire d'une chose. »6


Pas rigolo n'est-ce pas? Pourtant, si on considère que l'agriculteur d'aujourd'hui ne peut recevoir le juste prix pour ses produits, parce que la majorité des gens peine déjà à payer l'épicerie, on peut décrire la situation des agriculteurs comme étant des esclaves de la société. Les gens n'ont pas les moyens de payer le vrai prix de la nourriture, donc, collectivement, on force une catégorie de citoyens à produire cette nourriture à un prix que Monsieur et Madame Tout-le-monde peut payer.


Le coût de la nourriture bon marché pour les consommateurs, c’est le coût de l'inexorable appauvrissement des fermiers. C'est le coût de l'endettement des agriculteurs, sans espoir de renverser la vapeur, et qui les conduit inévitablement à la faillite à plus ou moins long terme.


De la même manière que certains jugent que la société ne peut se permettre l'équité salariale des femmes parce que cela serait un fardeau trop lourd pour les entreprises, la nourriture bon marché se fait sur le dos des agriculteurs et continuera de se faire jusqu'à ce que... Jusqu'à ce que quoi au juste? Quels recours avons-nous, agriculteurs? Pouvons-nous déménager? Changer de métier? Baisser davantage nos coûts de production? Non. Nous ne pouvons pas. Et le danger, c'est que pour augmenter les revenus, il faut investir et pour investir, il faut emprunter. Les nouveaux revenus ne permettent pas de payer le nouvel emprunt et l'agriculteur s'enlise un peu plus dans l'endettement, avec le surcroît de travail de l'augmentation de la production (plus d'animaux donc plus de foin et plus de grain, avec plus de temps à consacrer à soigner soir et matin). Comment arrêter ce cercle vicieux? Ça dépend si on est petit ou si on est déjà gros. Si on est déjà gros, on fait une production de volume. Si on est petit, on fait une production de créneau. Dans mon cas, c'est une production de créneau. Donc, la logique veut que je me «créneautise» davantage, et non que j'augmente mon volume de production. C'est bien beau, produire un agneau «élevé à l'orge bio ou au pâturage en liberté, sans hormones, pesticices ou herbicide», mais la réalité est que cet agneau doit quand même être abattu dans un abattoir de type A. Ce type d'abattoir est pour moi à Terrebonne alors que j'habite Mont-Laurier. Beau casse-tête. En plus, comme cet abattoir est gros, je ne peux pas avoir un traitement spécial et récupérer mes abats. Quoi? J'ai élevé avec grand soin mes agneaux et je ne peux pas avoir le foie, le coeur, la langue, les joues, les animelles? Allô?! Je fulmine! Si je fais affaire avec l'abattoir de proximié du prochain village, j'ai plus de service, mais je n'ai pas le droit de commercialiser ma viande, lire: pas le droit de la vendre! Donc, on me maintient dans la pauvreté. Pas le droit de vendre ma viande, ce qui est le but premier de mon métier, à moins de rentrer dans le gros tordeur industriel. Carcasse seulement. Pas de peau à tanner, pas d'abats. Et 8.60$ le kilo si je vend à l'Agence de vente d'agneaux lourds. Si je vend moi-même (je suis obligée de vendre quand même à l'Agence et racheter mes carcasses et payer pour le classement), je vend directement à mes clients 16$ le kilo. À l'épicerie, l'agneau haché se vend 13$ le kilo et le gigot se vend 54$ le kilo. Donc, si je vend au «système», en plus de recevoir des peanuts pour mon agneau, je le retrouve à, en moyenne, 30$ le kilo en épicerie. Trouvez l'erreur. Comment pensez-vous que je me sens, moi, agricultrice, devant le comptoir des viandes à l'épicerie? Comme une pauvresse! Voilà comment je me sens! J'ai des dettes et les factures continuent d'arriver dans la boîte aux lettres et je dois compter avec combien de moutons je vais réussir à payer tout ça. Ben le nombre de moutons excède ma capacité de production! Donc, ma seule option c'est de vendre mieux ce que je suis capable de produire. J'ai quelques idées. À suivre dans un prochain blogue…


Once again, pour ceux qui trippent sur les idées de Joel Salatin, sa montée de lait sur le pourquoi du comment que son bacon est 9$ la lb: 9$/pound bacon.

La vie cochonne

Hier, j'ai décidé d'aller faire une petite épicerie, parce que c'était dimanche et que je n'avais pas prévu plus loin que mon souper de l'Action-de-Grâces (un poulet de 18 lbs élevé nous-même et abattu illégalement). Je n'avais pas encore eu livraison de mon 1/2 cochon (veux pas savoir s'il a été abattu illégalement ou pas) et mon chum me demande un filet de porc pour souper. 8.36$ un petit filet de porc! 15$ le kilo! Je regarde les cubes de boeuf à ragoût, même prix. Presque 8$ pour une tout petit paquet. Finalement, écoeurée, je me rabat sur un carré de porc à 11$ le kilo. Sachant que les producteurs de porc du Québec ont la tête sur le billot, je suis attristée. Arrivée à la maison, je regarde la Revue des Marchés dans la Terre de Chez-Nous et je constate, consternée, que le prix obtenu par le producteur la semaine dernière est 1.75$ le kilo!!! Le prix à l'épicerie est donc 857% de plus. La question que peu de monde se pose: Pourquoi les prix à l'épicerie sont-ils si élevés et pourquoi tous les producteurs agricoles qui ne sont pas sous gestion de l'offre tirent-ils le diable par la queue financièrement? On a un méchant gros problème. Je reviens à mes moutons, puisque je suis éleveur de moutons comme vous le savez maintenant, et parce que depuis quelques années, il y a une mise en marché collective dans l'agneau lourd au Québec (pas dans le porc). J'obtiens 8.60$ du kilo (carcasse et bien classée) pour mon agneau à l'Agence de mise en marché et l'agneau à l'épicerie est au bas mot 30$ le kilo. Quelqu'un, en une semaine, a fait 350% de profit sur mon dos. Selon mon boucher, s'il veut acheter des carcasses d'agneau pour les débiter, selon la quantité de carcasses qu'il va acheter, le prix peut tourner autour de 10.50$ le kilo. L'abattoir fait donc 22% de profit, ce qui est plus normal. Alors, QUI fait minimum 20$ le kilo sur mon dos? Les distributeurs? Ceux-ci vont se plaindre du prix de l'essence et du diésel, de la piètre condition des routes qui maganent les camions, etc. L'épicier? Ceux-ci nous rappellent constamment que leurs marges de profit sont très maigres et qu'ils font leur argent sur le volume, et bla-bla-bla. C'est certain qu'il y a un maillon de la chaîne qui se fait des couilles en or quelque part! Peu importe où, j'ai décidé de court-circuiter tous ces «middlemen» et d'offrir mon agneau directement à mes clients, les carcasses débitées à leur goût, sous vide et congelé, à 16$ le kilo. 16$ qui vont dans mes poches, pour que ma ferme reste une ferme. Pour le client c'est une aubaine! Oui, il aura des tranches de cou et quelques bas morceaux (qui soit-dit en passant sont délicieux quand on sait les faire cuire) mais il aura aussi les gigots, le carré et le côtelettes pour la moitié du prix de l'épicerie. C'est donc la solution que j'ai trouvé. Je ne suis pas dépendante des prix du marché, d'une Agence ou de l'appétit des distributeurs, je suis fournisseur attitrée de personnes VIP: mes clients. Je les connais par leur nom, nous échangeons des recettes et quand j'entend bêler alors que j'ai les mains dans mon rang de panais, tout à côté de ma bergerie, je me dis que le juste prix que j'obtiens enfin pour me travail redonne à mon métier tout son sens.

Je me sens coupable d'avoir acheté ce carré de porc. J'ai contribué à étrangler un confrère. Dorénavant, mon but est d'acheter le moins de choses possible à l'épicerie. J'ai reçu mon 1/2 cochon et si je n'en élève pas moi-même, j'en rachèterai directement d'un producteur. En ce moment, j'ai des poulets et du porc dans mon congélateur. Bientôt j'aurai du veau, de l'agneau et du lapin, qu'on a élevés nous-mêmes. Dans des chaudières de plastique, j'ai des carottes et des panais enfouis dans le sable. Mes patates sont dans des poches. Mon seul problème est que je n'ai pas de caveau à légumes pour les conserver adéquatement. Comment une civilisation qui dépend de la nourriture pour vivre a-t-elle perdu toutes les connaissances requises pour la produire? Très peu d'occidentaux savent comment produire leur propre nourriture. Et si ils savent la produire, encore moins sont capables de la conserver adéquatement. C'est à cette étape-ci où je me trouve: comment saler, fumer, encaver, sécher, fermenter, etc. La route est longue... et les embûches nombreuses, mais les règlements sont encore plus contraignants que tout le reste. À qui le crime profite-t-il?

Je n'ai pas de couilles.

Titre choquant s'il en est un, puisque je suis une femme, il fait référence à l'émasculation (figure de style) des agriculteurs depuis seulement une génération. Aujourd'hui, être agriculteur c'est acheter des semences, les faire pousser et vendre les récoltes et recommencer l'année suivante. Les prix des intrants  étant hors du contrôle de l'agriculteur. Pareil pour les animaux. J'achète des poules pondeuses tous les 2 ans, les nourrit de moulée achetée et vend mes oeufs à la ferme. C'est pas des oeufs très «fermiers». L'agriculture est devenue tellement compartimentée qu'il y a maintenant des couvoirs qui ne font que faire naître les oisons et les vendre. Ensuite des éleveurs qui achètent de la moulée toute faite, «équilibrée», les nourrissent quelques semaines et les font abattre. Les abbatoirs sont loins, j'en ai déjà parlé dans un blog précédent. En tant qu'agriculteur, je n'ai pas le droit d'abattre moi-même mes animaux. Relisez cette phrase et dites-moi ce qui ne va pas? Un agriculteur n'a pas le droit d'abattre lui-même un animal, surtout pas pour le revendre! Mais c'est son gagne-pain! Si on veut que les campagnes sortent de leur torpeur, il va falloir 2 choses: internet haute-vitesse jusque dans le fond du rang St-Clin-Clin et un abattoir dans chaque MRC. Sinon, comme en Europe, un vétérinaire à la retraite ou un inspecteur prend rendez-vous avec l'agriculteur pour le jour de l'abattage et supervise la façon de faire, sur place, pour s'assurer que la bête est bien saignée, avec un couteau propre, que tout l'éviscérage est fait dans un temps x et que la bête est pendue dans un réfrigérateur en dedans de x temps. Là, enfin, on verra de petits élevages de 25 Chanteclerc, 30 lapins ou 3 vaches à boeuf partout dans les campagnes. En ce moment moi, si j'ai de trop petits groupes d'agnelages et que je n'ai que 6 agneaux de prêts pour l'abattage, je dois perdre une journée pour aller les porter à Terrebonne et perdre une journée pour aller les chercher avec un camion ou une remorque réfrigérée (que je n'ai pas). Si je pouvais abattre chez nous j'irais porter mes carcasses immédiatement chez le boucher plus loin sur le rang et j'irais chercher mes boîtes pour mes clients quand ce serait prêt et ne perdrais qu'une heure en tout et pour tout, incluant la conversation d'usage avec le boucher (incontournable quand on sort pas souvent de chez soi).
Faire boucherie était, jusqu'à une époque récente, un événement familial où tout le monde participait. Aujourd'hui c'est illégal. Tous les producteurs laitiers et leur famille boivent le lait du réservoir, ce qui techniquement ne devrait pas arriver parce que le lait aussitôt tiré appartient à la Fédération. Verra-t-on un jour les valves des réservoirs ouvrables seulement par le collecteur de lait? Est-ce qu'un producteur laitier sera soumis à boire du lait altéré plutôt que le lait direct de sa tinque?
En principe je peux tout faire, mais pas le vendre et c'est là le hic!. Pour vivre d'agriculture il faut vendre. Je peux élever 6 lapins, 12 cailles, 3 vaches, 50 moutons, 6 cochons et traire une chèvre, mais j'ai pas le droit d'abattre un animal pour en vendre la viande ou vendre du lait que j'ai tiré, ni même transformer quoi que ce soit. Comment voulez-vous que je vive? Je dois m'adapter à tous les 6 mois à des changements de règlements et des revirements de situations et je me faire dire que je devrai m'adapter. Aucune autre industrie ne doit s'adapter aussi fréquement et aussi souvent que la nôtre. Sur ce, comme je dois réviser deux autres entrées au blogue (il pleut - mais je n'ai quand même pas le temps de passer l'Antidote) je vous quitte. Un peu de lecture:
http://redtac.org/possibles/2010/09/11/pouvoir-municipal-et-gestion-du-territoire-agricole/

Friday 8 July 2011

Lettre à mon beau-frère…


Mon cher beau-frère, ne m'en veux pas, tu n'es cité en exemple que parce que le mouvement que j'aimerais déclencher s'adresse à des gens comme toi et ma soeur. Vous m'avez dit tous les deux cette semaine que vous passiez tous les jours devant le kiosque de fraises de la ferme Brisebois, mais que vous n'arrêtiez jamais, préférant acheter les fraises de ce même producteur au supermarché avec d'autres produits.

J'aimerais que plein de gens comme toi comprennent qu'en arrêtant au kiosque, ils font une énorme, très énorme différence pour ce fermier et tous les autres qui vendent leur production au bord de la route. J'ai téléphoné le producteur de fraises en question, Daniel Brisebois, et lui ai demandé combien il vendait un petit panier de fraises au supermarché ici dans notre ville. 2$. Je ne suis même pas certaine que ce 2$ couvre ses coûts de production (je n'ai pas eu l'indécence de le lui demander) et c'est au volume que ce fermier pourrait faire un petit peu de profit. Le supermarché revendra ces fraises 4$ le panier, car il doit écouler rapidement le stock de fraises qu'il a acheté, les fraises étant fragiles et ne se gardant pas longtemps. Si tu arrêtes au kiosque en retournant à la maison mon cher beau-frère, tu paieras ce panier 5$ et dis-toi bien que ce 5$ ira dans la ferme, l'équipement, les variétés de fraises, l'irrigation et le drainage, la prospérité, la rentabilité et le sourire du fermier. C'est un petit geste qui s'est perdu depuis l'avènement des supermarchés et des mégas magasins-entrepôts. Je comprend que cela fait un arrêt de plus en rentrant à la maison, et qu'on a pas toujours le goût de faire un arrêt supplémentaire, mais comme tu peux voir, la différence d'argent qui va dans les poches du fermier est du simple au double (même un peu plus) alors que pour toi, la différence est de 1$ et que les fraises de ton panier auront été récoltées l'après-midi même alors que celles du supermarché auront été récoltées il y a 2 ou 3 jours déjà (avec quelques fraises déjà molles au fond du panier).

Mes amis, j'en suis encore à ruminer sur le symbole qui indiquera à tous que vous êtes bienvenue à la ferme, et que votre visite à mon kiosque ainsi qu'à tous les kiosques à la ferme fait une énorme différence dans la santé financière des fermes au pays. C'est à suivre.

Sur ce, mon cher beau-frère et ma chère soeur, bonnes vacances au Nouveau-Brunswick, et si vous voyez un kiosque sur le bord de la route, faites-moi plaisir: arrêtez!

Tuesday 28 June 2011

Si vert c'est pas pour l'écologie ou l'agriculture...

Voulez-vous bien me dire c'est quoi le rapport entre la couleur vert lime et le don d'organes? Non? Moi non plus je vois pas le rapport.
N'empêche que le ruban vert lime est déjà utilisé pour sensibiliser la population à l'importance du don d'organes.
J'ai fais une petite recherche sur Google Images pour pas me tromper une 2e fois:
Le rouge est pour le sida.
Le rose pour le cancer du sein.
Le vert le don d'organes.
Le brun la protection des espèces.
Le noir l'anticonformisme.
Le jaune le soutien à nos soldats.
Le vert doublé de blanc la persévérance scolaire.
Le blanc, le 6 décembre et contre la violence envers les femmes.
L'orange la fierté envers la Ville de Québec.
Le violet = stop à Sarkozy.
Le bleu royal c'est contre la censure sur internet.
Le vert pointillé de blanc c'est contre les agressions sexuelles.
Y'en a-tu d'autres, misère…!?!

Qu'est-ce que je pourrais bien utiliser de distinctif pour porter à la boutonnière ET mettre devant ma maison sur le bord du chemin pour que ça devienne CLAIR que je vend des produits à la ferme?
Un bout de corde de bale en sisal?
Un ruban, mais tressé 3 tons de vert?
Un pissenlit?
Un bout de chaine?
Un brin de mil?

Idéalement, faudrait que ce soit quelque chose qu'un agriculteur a sous la main et qui est facilement fabriqué et épinglé. Si en plus c'est facile d'en donner aux clients qui viennent à la ferme, c'est winner!
Des suggestions?

Saturday 25 June 2011

Ruban vert!




Il y a quelque temps, à la fin de l'hiver, frustrée de toute la misère constatée chez les agriculteurs, j'ai voulu sensibiliser les gens à notre cause et j'ai commencé à porter un ruban vert pâle sur ma poitrine. Je ne savais pas trop où je voulais aller avec ça et j'ai "oublié" de le porter plusieurs fois et j'ai cessé de le porter pour de bon. À ce moment, je voulais que ce soit un mouvement spontané initié par les agriculteurs eux-mêmes. Cette fin de semaine de la fête nationale, alors que mon beau-frère m'a demandé un agneau un peu tardivement pour son méchoui, j'ai réfléchi à toutes ces opportunités perdues pour les agriculteurs.
C'est en discutant avec des invités au méchoui, chefs, femmes de chefs, consommateurs déjà sensibilisés aux produits locaux, que j'ai changé mon fusil d'épaule. Cet été, je vais vendre des produits à la ferme. Beaucoup de gens voudraient bien se rendre à la ferme pour acheter des produits frais, mais comme le contact entre les agriculteurs et les consommateurs s'est rompu, les gens n'osent pas ou ne savent pas. Comme je réfléchissais aux moyens que j'allais prendre pour faire connaître ma ferme à mes clients, l'idée m'est revenue d'utiliser à nouveau mon petit bout de ruban vert pâle. Cette fois-ci, je crois que je tiens «l'étincelle» de mon mouvement! Ça ne coûte rien pour l'agriculteur et rien pour le client et c'est très simple: si vous êtes agriculteur et vendez des produits directement à votre ferme, je vous invite à porter un bout de ruban vert pâle croisé sur votre poitrine. N'importe quel bout de tissu vert pâle fera l'affaire. Une petite pancarte au chemin avec le même dessin (un ruban croisé vert pâle) indiquera aux clients qu'ils sont bienvenus. Pour les clients, si vous avez déjà acheté un produit directement à la ferme, portez fièrement un ruban croisé vert pâle à la boutonnière: vous contribuez à la rentabilité d'une ferme de façon sérieuse! Pas d'intermédiaires! Je vous invite à arrêter chez les fermiers qui affichent le ruban ou que vous connaissez déjà, pour acheter vos légumes, votre viande, vos oeufs directement à la ferme. Voilà! C'est tout simple. Bien sûr, le mouvement devra se développer et se faire connaître et je compte sur vous pour aider à diffuser la signification du ruban vert pâle. Mes amis, BIENVENUE À LA FERME!

Thursday 26 May 2011

Cri du coeur


Dans La Terre de Chez Nous de cette semaine, un cri du coeur des producteurs de porc (repris en choeur par les producteurs de bovins de boucherie et les producteurs d'agneaux) interpelle le lecteur dès la Une.
On dit aux agriculteurs qu'il faut s'adapter et innover. Je veux bien, mais pas 5 fois par année! Les autres industries ne s'adaptent jamais aussi souvent, d'autant plus qu'elles voient le résultat des adaptations beaucoup plus rapidement! Exemple, si je dois améliorer mes agneaux, faut que je m'y prépare, ensuite il y a la gestation de 5 mois puis l'élevage de ces agneaux pendant environ 4 mois donc, environ 10 mois de temps de réaction. C'est quasiment 1 an! Vous savez dans L'Actualité il y a de ça quelques mois on y présentait un article sur les capitaines du fleuve, ces pilotes qui "take over" les cargos pour les conduire dans le fleuve Saint-Laurent jusqu'à bon port. Ces cargos font en longueur la même hauteur que la Place Ville-Marie à Montréal. S'ils arrêtent les machines, le cargo ne stoppera pas avant un kilomètre! Ben en agriculture, ça ressemble à ça: une grosse machine qui a pas le choix de faire avec la nature.
En plus de multiplier les règlements et mesures d'écoconditionnalité, le gouvernement traite les agriculteurs comme des pollueurs et des enfants d'école. La raison pour laquelle les producteurs essaient de maximiser leurs superficies et leurs rendements c'est qu'ils ont des cennes pour leurs produits et que les coûts des règlements et de l'écoconditionnalité leur sont refilés (d'autant plus frustrant qu'ils leur sont imposés). On est même plus chez nous, chez nous. Imaginez-vous donc que pour déplacer, enlever ou installer une calverette, j'ai besoin d'un permis du Ministère de l'Environnement (MDDEP)!!! Bien entendu, ce même Ministère veut mettre son nez dans mes affaires et zyeutera sans doute mon tas de fumier et la distance de ma clôture du cric qui passe à côté de mon paddock à chevaux. Bref, vous avez compris, on les veut pas chez nous ce monde-là. Le «tournage de coins ronds» devient alors un sport et un métier. Certains agriculteurs font faire faire leurs travaux en douce le dimanche ou encore s'ils ont l'avantage d'être camouflés par un boisé ou de vivre creux, ils font encore ce qu'ils veulent (les chanceux!).
Les producteurs d'agneaux dans les derniers trois ans ont dû s'adapter pas à peu près. Tout d'abord, l'ASRA (Assurance Stabilistion des Revenus Agricoles qui compense la différence entre le coût de production (pas le nôtre, une moyenne des 75% qui s'en tirent le mieux) et le prix de vente) était avant calculé sur le nombre de brebis reproductrices (t'as 115 têtes, t'es compensé X). Maintenant, c'est au kilo d'agneau vendu. Je dois donc «pousser» mes brebis et modifier ma génétique pour obtenir le plus d'agneaux par portée et faire faire 3 agnelages aux 2 ans à mes brebis plutôt qu'une par année. On parle de plus de foin, de meilleure qualité (pas de notre ressort) et de plus de grain et moulée (le prix monte sans cesse). En plus, c'est pas facile à faire parce que les brebis ont naturellement un cycle comme celui des chevreuils. Elles viennent en rut à l'automne et mettent bas au printemps. Pour faire 3 agnelages aux 2 ans, il faut au moins une mise au bélier à contre-saison. Certaines races le font bien et d'autres pas. Si nos races ne sont pas «désaisonnnées», faut modifier la génétique et, en plus, faut utiliser des hormones pour obtenir un meilleur taux de fécondité à contre-saison. Est-ce que c'est ce que l'agriculteur veut? Pas nécessairement, mais sa rentabilité en dépend. Pis c'est drôle hein? Les subventions sont des attrape-nigauds (même si on est pas dupe) car souvent, ce sont des subventions de paperasse (75% du coût de rédaction d'un plan d'action et d'adaptation bla, bla, bla - voyez le genre?) alors qu'un technicien qui sait ce qu'il fait pourrait venir nous montrer à poser les éponges comme du monde (les hormones de tantôt sont sous forme d'éponges qu'on doit insérer dans le vagin des brebis, une par une, avec un instrument spécial - je sens que ça vous tente moins là…). Mais ça, c'est pas dans les subventions. Tiens une autre affaire: on est cruel parce qu'on pose des élastiques sur la queue à la naissance pour que la queue couvre la vulve et que le bout qui reste se nécrose et tombe. Moi ce que je trouve qui est dégueulasse, c'est de mettre une éponge à une brebis qui a une grosse queue laineuse pleine de marde qui descend jusqu'à ses jarrets, et qu'elle fait gigoter dans ma face! L'élastique ne lui fait pas mal et tombe avec le bout de sa queue après quelques semaines. Point final à la ligne.
J'ai pas fini. Depuis 2008 il y a maintenant l'Agence de Vente d'Agneaux Lourds. Maintenant, tous les agneaux qui dépassent un certain poids doivent impérativement être mis en marché à travers cette agence. Pensez-vous qu'il y a des coûts, des conditions et des formulaires à remplir en plus de devoir s'inscrire, obtenir un numéro de producteur, etc.? Eh oui! Comme toujours! Et ça, ça s'ajoute aux autres formulaires et autres tracasseries administratives. Par exemple, cette semaine j'envoie pour la première fois des agneaux qui font le poids à la vente à travers l'Agence. Si je veux vendre les agneaux au client de mon choix, je dois envoyer le formulaire P6. Les vendre à l'Agence, qui s'occupe d'arrimer l'offre avec la demande des acheteurs, le formulaire P4 - en deux exemplaires, un pour l'Agence, un pour le transporteur. L'offre de vente comme telle, le formulaire P3 (combien d'agneaux, à quel abattoir - comme si on avait l'embarras du choix - le sexe et le poids moyen). Ensuite il faut que je m'assure que mes agneaux sont bien activés chez ATQ - Agri-Traçabilité Québec. C'est à cause d'eux que je dois «crouncher» des boucles dans chaque oreille de chaque agneau au coût de 2.19$ si je commande en paquets de 50, sinon c'est plus cher. Ça arrive souvent que les animaux s'arrachent les boucles (on appelle ça aussi des «tags») et il faut alors faire un remplacement de boucle. Il s'agit non seulement de crouncher un nouveau tag sur les oreilles, mais si l'animal s'est déchiré l'oreille, il est difficile de le poser. Comme c'est en paire il faut remplacer les deux tags, pour que le code à neuf chiffres corresponde. Vous ai-je dit qu'il faut attraper la bête et la maintenir parce qu'elle n’aime pas tellement se faire crouncher un tag dans l'oreille? Ça gigote fort un agneau de 80 lb ! Bon, c'est fait? Il faut appeler chez ATQ pour déclarer le remplacement, donner l'ancien et le nouveau numéro, le sexe et la date de naissance de l'animal. Bon, ça, c'est quand il en manque. Un animal auquel il manque un tag expose le transporteur et le producteurs à des amandes. Là quand on a notre gang de prête, il faut remplir le formulaire de déplacement des ovins d'ATQ. Re-remplir un formulaire comme le P4, avec le code à neuf chiffres de chaque agneau qui part dimanche prochain. Une copie pour le transporteur, une pour l'abattoir. Il faut tout faire ça bien comme il faut, car c'est avec ces informations qu'on se fait payer - elles sont transmises à la Financière Agricole qui administre l'ASRA. Une vraie souricière.
Ah oui! À l'abattage, les agneaux lourds sont classifiés. Un agneau peut surclasser ou déclasser. La conformation (viandeux ou pas viandeux, sur une échelle de 1 à 5, pour le gigot, la longe et l'épaule) et le gras (en millimètres, sur la 12e côte, à 11cm de la ligne médiane du dos - êtes-vous écoeurés déjà?) sont mesurés et la jonction de ces deux indices sur un tableau classe l'agneau. Jusqu'à l'année dernière, un agneau qui «déclassait» faisait déclasser le lot complet du producteur cette semaine-là. Maintenant, seulement l'individu déclasse. Vous vous imaginez bien qu'il fallait envoyer un groupe uniforme en titi pour avoir un beau chèque! Il y a des pénalités pour livrer des agneaux plus lourds qu'annoncé dans notre formulaire P3, si le gras est trop élevé, etc. Tout ça pour standardiser l'Agneau du Québec. Moi le dimanche matin j'ai ma chienne de travail pis mes bottes et quand je vois l'Agneau du Québec à 30$ le kilo à l'épicerie et que j'en reçois 8.30$ carcasse (poids de l'animal mort, vidé et décapité - environ 55% de perte par rapport au poids vivant) j'me demande pourquoi je deviens pas intermédiaire moi-même. Ça a l'air d'être eux qui font l'argent. Peut-être parce que je suis tellement occupée à survivre et à calculer que j'ai pas le temps pour une autre business? La prochaine fois que vous savourez l'Agneau du Québec, dégustez-le, car énormément d'énergie est allée dans sa création!

Monday 23 May 2011

Et la famille, ça va?

Peut-être que plusieurs s'imaginent que c'est idéal d'élever ses enfants sur une terre: ils ont de l'espace, apprennent plein de choses, voient la vie et la mort de près, etc. C'est vrai tout ça, mais les parents, eux, n'apprécient peut-être pas toujours que leurs enfants aient beaucoup d'espace, qu'ils soient savants, voient autant la mort que la vie de près, etc. C'est que les parents sont très occupés. Surtout l'été, période où les enfants ont justement, eux, tout leur temps (pour faire des mauvais coups).
J'essaie de m'imaginer ce que ça devait être élever ses 9 enfants derrière le comptoir d'un snack-bar (je pense aux soeurs Laurier). Je pense à toutes ces femmes qui ont du aller traire les vaches avec un petit dans le dos. Celles qui ont du confier leurs enfants trop jeunes à d'autres pour accomplir leur besogne (je pense à ma chère tondeuse, Nicole). C'est que les agricultrices n'ont pas de congé de maternité. Même si elles étaient compensées financièrement pour prendre soin de leur enfant pendant la première année, elles ne seraient pas remplacées comme à la Caisse Pop. Personne ne fera la comptabilité à leur place, l'épicerie, tailler des sabots ou se pencher pour ramasser des patates. Et toutes ces tâches doivent être faites. Soit elles sont faites par le chum, qui en plus de tout ce qu'il a déjà à faire en prend un peu plus sur son dos, ou que la femme s'acquite des ses tâches habituelles avec juste un bras et à des drôles de moments de la journée (lire, quand bébé décide de faire la sieste). Épuisant, vous dites? L'intendance d'une maison est une job. Quand on est payé pour faire cette job on s'appelle un concierge et on fait habituellement un bon taux horaire. S'occuper et éduquer des enfants c'est une job aussi. Quand on est payé pour le faire, on s'appelle une puéricultrice. En général, on est payé moins cher qu'un concierge ou un itendant. La comptabilité et l'administration d'entreprises sont des jobs. Quand on est payé pour faire ça ont fait généralement un salaire convenable.
Les agricultrices, en plus de faire partie du segment de population qui tire le plus le diable par la queue (les agriculteurs) sont doublement hypothéquées: si elles restent à la maison, occupées qu'elles sont avec les petits dans les bras, elles voient tout ce qu'il y a à faire et se rongent les sangs, si elles travaillent à l'extérieur, elles sont compensées financièrement pour cette job, mais doivent tout de même effectuer leurs tâches à la ferme en plus de leur devoir de mères, jusqu'à ce qu'elles retournent au travail, en dehors. En général, toute la paperasse est démêlée par les femmes. C'est une job chiante, qui demande de la concentration, ce qu'on n'a pas lorsqu'on est jeune mère. Un bébé ou un enfant nous interrompt constamment.
La conciliation travail-famille est loin d'être atteinte, même au Québec. J'aimerais bien visiter les pays scandinaves pour voir comment les femme s'en tirent là-bas. Parait-il que les femmes y sont très bien organisées. J'ai déjà lu que toute entreprise de plus de 5 employés doit fournir une garderie en milieu de travail! Pas eu le temps d'aller vérifier si c'est vrai…
C'est sûr que de voir son enfant croquer une petite fève verte directement au jardin, encore chaude du soleil qui lui a plombé dessus, c'est un plaisir, mais ce plaisir est le fruit d'un certain sacrifice. Je ne suis pas certaine que l'abnégation n'est pas une vertue propre à la maternité et non pas à l'entrée en religion. Probablement que les «bonnes soeurs» avaient plus la paix au couvent qu'au milieu d'une famille, que le rythme de la prière et des repas sonnés par la cloche est plus reposant que le cinq minutes de silence atteint alors que mari et enfants mastiquent un rapas réussi (watch-out les 5 minutes de folie qui suivent le dit repas!).
Tout ça pour dire qu'élever des enfants c'est déjà dur et que quand on aime sa job, on ronge son frein, impatiente de retourner aux champs ou à la traite. J'ai perdu mon équilibre et autant que j'aime mes enfants, j'ai besoin aussi d'aller jouer dehors et j'ai besoin aussi d'avoir une maison propre et j'ai besoin aussi, parfois, de me sentir au dessus de mes affaires, ce qui est rare. À part me clôner, je ne vois pas d'autre solution que de couper les coins ronds un peu partout: une maison moins qu'impeccable, des moutons qui ont les onglons retroussés comme des babouches, une comptabilité approximative, des enfants pas toujours bien peignés et habillés, des oublis à l'épicerie.
J'me sens comme une machine imprimante-scanner-photocopieuse-fax. Pas trop bonne à faire aucune de ces tâches très bien. Ça a l'air bien beau sur la boîte, mais ça fait ce que ça peut.
Ma seule consolation c'est que moi c'est temporaire, que je vais retrouver un certain équilibre et que, fait rare, quand mes enfants vont débarquer de l'autobus scolaire, ils auront une maman, des biscuits et un sourire, ce que beaucoup de petits n'ont pas aujourd'hui. Il y a des sacrifices qu'on sait pour quoi on les fait.

Friday 6 May 2011

Il pleut, il mouille, c'est la fête à la grenouille.


Janette Bertrand a déjà dit qu'elle avait toujours trouvé les cultivateurs chialeux de la température jusqu'à ce qu'elle cultive elle-même des légumes et en voit pourrir la majorité à cause d'un été plus que pluvieux. Depuis ce temps, elle comprend que quand nous, cultivateurs, perdons nos légumes, c'est notre revenu que nous perdons!
Les conditions idéales sont rarement réunies. Idéalement, ça prend beaucoup d'eau au printemps pour bien gorger le sol. Ensuite, de la chaleur et du soleil pour faire «lever» et puis un temps très sec dès la mi-juin pour faire les foins. Un peu de vent ne nuit pas, car ça aide à faire sécher. Pour faire du foin sec, c'est idéalement 3 jours. On vérifie la météo de plusieurs sources pour sa région, plus les cartes radar et infrarouge pour l'Amérique du Nord et on scrute le ciel local. On détermine si on  pense avoir ces 3 jours de beau temps et on se lance (surtout si on voit le voisin passer avec sa faucheuse)! Les machines doivent être prêtes et graissées, la corde achetée, les pneus gonflés sur les wééguines (voir un blogue précédent) et les roues des accessoires (râteaux, faneurs, etc.). Le foin doit être coupé après la rosée. En général, rares sont les cultivateurs qui vont faucher avant le dîner. Ensuite, faut que ça sèche. En juin, les orages violents, mais brefs, sont nombreux. S'il pleut sur le foin fraîchement coupé passe encore, mais s'il pleut sur du foin sec prêt à ramasser, il va virer jaune, être poussiéreux et être de moindre qualité. Les foins de juin, la première coupe comme on l'appelle, qui est la plus importante pour l'énergie, est LA job la plus importante de toute l'année. C'est pas pour rien que tout le mois de mai et première moitié de juin, le cultivateur se fait du mauvais sang. Tout peut virer «boutt pour boutt»! Pas de foin en quantité et qualité vont influencer les animaux qu'on garde ou ne garde pas pour l'hiver, car c'est leur ration qui est compromise. Pour un agriculteur sous gestion de l'offre, dans la vache laitière par exemple, un foin de moindre qualité veut dire plus de moulée et plus de vaches à traire pour la même quantité de lait vendu. La deuxième coupe, celle du mois d'août, peut arranger les choses, mais en général, celle-ci comporte moins d'énergie et plus de fibre. On choisira de soigner avec ce foin à un autre moment, où les besoins énergétiques de l'animal sont moindres (à l'entretien plutôt qu'en gestation ou en lactation). Tout ça pour dire que «les foins» sont la job la plus importante, la plus cruciale, la plus élémentaire de l'année. Tout dépend de la qualité de cette job-là quand on  élève des animaux. 
En 2008 et 2009, nous avons vu les pires étés depuis longtemps en fait de pluie. Trop d'eau ne permet pas de faire les foins. Quand la plante arrive à maturité, ses qualités nutritives se dégradent vite. Si on a le temps de faucher, le foin lui n'a pas le temps de sécher et on le récolte alors trop humide. C'est là qu'on a besoin d'une enrobeuse, pour enrober chaque balle de plusieurs couches de plastique pour créer un environnement anaérobique (sans oxygène). À ce moment survient une fermentation et des enzymes digèrent certaines substances. Le résultat donne un foin humide ou semi-sec, sans poussière, mais plus acide, dont la qualité nutritive est souvent excellente. Personnellement, l'odeur de levure d'une balle d'ensilage me déplaît grandement. De plus, l'humidité contenue dans une balle est apportée en bergerie et contribue à l'humidité ambiante.
Ça, c'est pour le foin. Maintenant il y a les semailles qui s'en viennent. Si on cultive du grain ou des légumes, trop d'eau veut dire pourriture, plus de limaces et autres bestioles qui aiment l'humidité. La sécheresse c'est autre chose. Si elle arrive tôt, au moment de la germination, cela peut tuer toute chance de réussite. Si la sécheresse arrive plus tard, elle peut compromettre la croissance. Un manque de lumière due à la grisaille permanente ralentit la croissance et donne des récoltes tardives et moindres. Au moment où j'écris ces lignes, plusieurs habitants de la Montérégie sont évacués à cause des crues qui font déborder les rivières de leur lit. Tant que le sol n'a pas absorbé toute l'eau, on ne peut pas «rentrer» dans les champs sans «tracer», c'est-à-dire faire de grosses marques profondes dans le sol avec les roues du tracteur. D'habitude on sème l'avoine autour du 16 mai. Comme c'est là, on n’est pas prêts de pouvoir rentrer dans les champs pour préparer le terrain. Quand est-ce qu'on va bien pouvoir récolter l'avoine si on sème tard? Va-t-elle avoir le temps de mûrir avant que l'automne ne revienne avec son humidité (il faut récolter l'avoine à un taux d'humidité raisonnable)? L'année passée, mon chum a fini de faire certains champs de foin en octobre! Y'a jamais eu le temps de labourer les autres champs qu'il voulait avant l'hiver. C'est donc à faire ce printemps. Tracer le sol est très mauvais – quand on sait que le moindre trou de siffleux peut avoir des conséquences onéreuses sur la machinerie, repasser en travers sur ses traces équivaut à reprendre sa propre vague en bateau: ça tape fort et si on traîne quelqu'un en tripe, ça fesse fort – c'est pareil sur la machinerie. En passant, mon beau-frère me signale qu'il a finalement choisi le râteau à 22 000$, pas celui à 18 000$…
Je me souviens du stress ressenti quand mon chum m'a laissée passer le râteau (une vieille réguine à 1 500$) et qu'il est parti ailleurs, me laissant craintive, debout sur le tracteur, à scruter le sol à 20km/h dans la peur que la petite roue du râteau ne tombe dans un des dits trous et que quelques peignes du râteau ne se cassent. En plus, tout ce temps, le bout du champ approchant vite, je devais déjà choisir sur quel autre rang j'allais m'enligner pour le retour et dans ma tête je répétais: 1 sur 2, 3 sur 2; 1 sur 2, 3 sur 2;… qui veut dire que sur trois rang de fauchés, on rabat le rang 1 sur le rang 2 et le rang 3 aussi sur le rang 2, (sur un retour parce que le râteau racle juste d'un bord) ceci afin de créer un andain assez dense pour limiter le va-et-vient de la presse (faut économiser sur tout, dont le diesel ). Si vous avez de la misère avec votre tondeuse à pelouse qui avance toute seule, essayer ma job pour une après-midi, on prendra une bière ensemble à la fin de la journée pis on en jasera.
Une dernière chose: la raison pour laquelle on enrobe de plus en plus le foin c'est qu'en plus du stress de la température, si on fait des petites balles carrées, il faut que si tôt pressées elles aillent dans une grange à l'abri, car l'orage n'est jamais bien loin et la rosée du lendemain est traître. Ça, ça prend une personne pour conduire le tracteur avec la presse, une personne pour conduire le deuxième tracteur avec la wéguine qui fait du va-et-vient entre la presse et la grange, une troisième personne qui va «feeder» le monte-balle depuis la wéguine et deux autres personnes qui vont accueillir les balles dans la grange à 45°C et les placer une par une. Les balles enrobées sont à l'abri des intempéries (mais pas des #!@*&% de corbeaux qui font parfois des trous dans le plastique et là, ça ne fermente pas et la balle est perdue) et elle peuvent donc rester au champs un certain temps! Donc qui dit foin sec dit abri et main d'oeuvre, donc bâtiments et donc $$$$$. Oui, le plastique pollue, oui on jette ça aux poubelles. Mais on n’est pas pour se débattre comme diable dans l'eau bénite pour faire du foin sec juste pour les beaux yeux des «gnontommateurs»! Déjà qu'on nous bombarde «d'écoconditionnalité»: faut laisser minimum 3 mètres non fauchés des bandes riveraines, ce qui veut dire le moindre ruisseau intermittent par exemple. Ben j'ai un «cric» qui traverse ma terre, qui fait 858 pieds de large. 3 mètres c'est 9.8 pieds dont 16 817 pieds carrés (à cause de chaque bord du cric) dont .4 acres. On peut dire qu'il se perd beaucoup de foin à cause de ça. J'ai d'autres bandes riveraines que celle là. À certains endroits, l'écoconditionnalité c'est 6 mètres ou 10 mètres!!! Si c'était ça ici, ça représenterait .7 acre ou 1.3 acre. À 4 ou 5 balles à l'acre… Et ça, ce sont des pertes qui ne sont pas compensées. C'est une mesure pour «protéger les cours d'eau, les grenouilles à bosse et la turlupinette à crête mordorée». Bientôt on aura des mesures pour ne pas faire faire trop de voyagement aux animaux qui se rendent à l'abattoir et des amendes si on les transgresse!!! Bien sûr, on n’aura pas plus d'abattoir local avec carcasses inspectées, oh, noooooonnnn! Et des mesures pour empêcher les agriculteurs de virer fous, y'en-a-t-y?
Sur ce, bonne saison des foins (si la température le permet)!

Monday 2 May 2011

Un peu d'humour…

Bon, avec les deux derniers jours de beau temps, je me suis surprise en train de travailler dehors et à vouloir, étrangement, faire quelque chose de totalement inutile. Appelez ça une déformation professionnelle entre métiers liés (je suis graphiste, cinéaste et gestionnaire agricole de formation !), mais en enlevant le paillis de sur mes fraises, j'ai pensé à toute la «scrappe» qui traînait sur le terrain, à côté de (pratiquement) chaque bâtiment. Je me souviens que plus jeune, j'allais chez un drôle de gars qui faisait du «body» à Ste-Sophie (lire, un débosseleur) et qui avait comme enseigne un robot fait de rebuts de métal. J'ai moi-même à mon chalet un souvenir (de brosse?) qui date de décennies plus tôt et qui consiste en une ballerine faite avec des tiges de métal, des écrous pour les yeux et une petite fan rouillée comme tutu. Le résultat est attendrissant, oui, oui (photo bientôt).
Tout ça pour dire que, dans mon souci de me faire remarquer (je veux que mes clients me trouvent facilement et viennent acheter mes légumes cet été) j'ai pensé choisir une journée où une ou deux personnes offriraient leur talent de soudeur (mon chum est bon, mais très occupé) et où parents, amis et familles viendraient contribuer à quelques morceaux de «land art» comme ça s'appelle en anglais. J'ai déjà remarqué deux vieux abreuvoirs galvanisés qui feraient deux beaux seins à une madame épouvantail. On pourrait faire un beau héron bleu géant avec des bouts de tôle à toiture ou encore, faire quelque chose de totalement abstrait. J'ai besoin d'une nouvelle boîte aux lettres, tiens. Les morceaux non utilisés seraient mis dans une remorque pour vendre au poids. Vaccin tétanos recommandé. En même temps ça nettoierait le terrain! Pour vous donner une idée, je vous offre des liens vers quelques sites et quelques photos privées sur Flickr. Ça donne une idée des bibittes délirantes qu'on peut rencontrer dans un jardin…

Wednesday 27 April 2011

Là où ça compte-Prise 1

Discuté avec ma mère au téléphone cette semaine: une personne avec qui j'ai suivi la journée de formation Stratégies de marketing pour kiosque à la ferme à La Malbaie le 29 mars dernier lui a dit qu'il faut absolument transformer ses produits pour survivre en agriculture aujourd'hui. Cette personne court après sa queue dans le monde épuisant de la mise en marché «maison». Quoique je suis encore convaincue du bien-fondé de la chose, j'ai des nuances qui ont commencé à apparaître dans mon portrait. C'est vrai que mon comptable m'a dit que les meilleures entreprises agricoles qu'il connaisse sont sous gestion de l'offre et qu'elles font un très maigre profit, quand elles ne font carrément pas juste kif-kif. C'est vrai que la matière première (que nous, agriculteurs, produisons) est cheap par rapport au prix payé à l'épicerie (que nous, consommateurs, payons) et qu'entre les deux, on s'en doute, une myriade d'intermédiaires essaient de faire leur profit en justifiant que s'ils n'existaient pas, le lien entre producteurs et consommateurs ne se ferait pas.
C'est vrai aussi que depuis que j'ai été mise en face de l'évidence que les coûts reliés à l'installation d'une petite usine laitière en milieu agricole ont décuplé depuis notre idée il y a 5 ans, ils sont rendus astronomiques (en plus des règlements qui s'ajoutent à chaque année). C'est vrai aussi que des fromages étrangers fabriqués selon des méthodes interdites ici entrent à pleins conteneurs au pays et coûtent moins chers rendus ici que les fromages locaux.
Ma nuance est la suivante: est-ce nécessaire de TOUT transformer? Le gars qui fait 3 millions par année et celui qui fait 30 000$ par année vivent sous le même soleil, profitent des mêmes 7 jours par semaines et des mêmes 24h dans une journée. Y'en a une qui travaille plus smatte que l'autre…
Je suis en train de me demander s'il n'y a pas des produits qui sont plus importants que d'autres à transformer, dont la marge de profit est plus intéressante et qui offrent les plus belles perspectives de développement, tout en demandant des investissements raisonnables.
Les fromageries, c'est des laboratoires. Les volumes transformés ne justifient pas les normes imposées aux microfromageries telles qu'à celles des géants.
Des fois, je me prend à rêver à de grands coups d'éclat, de grandes révolutions, par exemple, qu'est-ce qui se passerait si tous les producteurs au Québec cessaient de fournir de la viande toute une semaine? La campagne de sensibilisation s'accompagnerait d'une invitation à se procurer de la viande directement chez un producteur. Une pancarte promotionnelle serait plantée devant chaque ferme participante et on pourrait y lire: «Vous voulez de la viande? Venez nous voir!». Y'a pas juste le lien entre le consommateur et l'agriculteur qui s'est brisé. Le lien entre le mangeur et la nature est complètement brisé lui aussi. Ça fait deux maillons à réparer. C'est pas les journées Portes Ouvertes de l'UPA qui vont changer les choses. Trop buccolique. À ces journées, on voit jamais l'agneau mort-né le matin que le fermier a pas eu le temps d'aller porter sur le tas de fumier. On voit pas la réalité.
Un chroniqueur bien connu du journal Le Devoir écrivait déjà (et ça m'avait choquée) à l'époque des accommodements raisonnables que la plupart des ruraux n'avaient jamais vu «des arabes» qu'à la télé. J'avais eu envie de lui écrire,  et j'aurais du le faire, que la plupart des citadins avalent leur café avec lait ou café-crème tous les jours et n'ont jamais vu une vache de près de toute leur vie. C'est quand même incroyable! Comment en est-on arrivés là? Comment en est-on arrivés à traiter notre nourriture sur le même pied d'égalité qu'une clé USB ou qu'une voiture?
Une grosse partie des citadins s'imagine que «ça pousse tout seul» et que ça «s'élève tout seul». Peut-être. Mais ça se sème tout en même temps, c'est prêt tout en même temps, c'est en demande tout en même temps et c'est périssable tout en même temps. D'où les machines et la main d'oeuvre, la planification et la gestion. Comment atteindre un équilibre entre fraîcheur et conservation?
Tant que l'animal est en vie, la viande ne se gâte pas. Tant que certains légumes sont dans des conditions climatiques idéales, ils se conservent naturellement très bien.
D'où mon idée (pour revenir à l'idée première de cette entrée dans mon blogue) d'utiliser une variante de la formule ASC (Agriculture Soutenue par la Communauté) très en vogue depuis quelques années (vous savez, les paniers de légumes bio livrés à un point de chute chaque semaine?): mes paniers thématiques sur commande! Ta-da! J'entretiens mon blogue, mes pages Facebook et Twitter, et tiens mes clients au courant de ce que je concocte pour eux pour la prochaine fête (ou le prochain week-end, éventuellement). Vous recevez une petite gang pour Pâques? Je vous fourni les pièces d'agneau, les condiments, les légumes pour 4, 6, 8, 10, 12 personnes et inclus recettes et façons de faire détaillés pour que vous réussissiez à servir votre souper avec des produits sains et de prime fraîcheur directement de chez le fermier! Par exemple, pour revenir à Pâques, gigot d'agneau du printemps, sirop de menthe, patates, panais, oignons, courges, ail, fines herbes, tous de la ferme, avec recettes pour cuire l'agneau et l'accompagner. Vous n'aurez qu'à vous assurer de ne pas manquer de beurre cette fin de semaine là! Le thème du panier pourrait même être envoyé à votre SAQ et vos invités pour que votre conseiller ait déjà quelques vins à vous suggérer pour mouiller votre souper! Votre soirée a été un succès? Renouvelez l'expérience à la Saint-Jean-Baptiste et commandez votre méchoui pour 20 avec tous ses ingrédients pour les accompagnements ou laissez-nous vous proposer le menu pour votre petite gang de 6. Des kebabs déjà marinés et prêts à cuire au BBQ par exemple, avec des petits pois frais ou des asperges, des belles tomates de serre, vous n'aurez qu'à vous assurer d'avoir du couscous à la maison. Y parait que c'est tendance en marketing et ça s'appelle de «l'assamblage». Au supermarché, avez-vous remarqué que pendant le temps de fraises, des gâteaux des anges tout prêts sont présentés juste à côté et que des coupons pour de la crème vous invitent à passer au comptoir des produits laitiers?
Pour revenir à la transformation, c'est tentant d'aller vers les légumes parce que c'est bien moins réglementé, mais c'est tellement périssable! La viande, même congelée, reste «fraîche» aux yeux des consommateurs, sauf que c'est tellement plus dangereux «d'empoisonner» les clients avec de la viande mal manipulée ou passée date qu'avec des légumes que la réglementation est beaucoup plus sévère. Bon, si votre champ de tomates est contaminé par un parc d'engraissement de bouvillons qui ne mangent que du maïs ensilage, comme ça arrive aux États, et que vos tomates suintent d'un jus virulent de E.coli violent, c'est peut être aussi dangereux, mais pas ici dans notre région.
Bref, les petits pots, c'est bien beau, mais de la viande fumée et du saucisson ça s'emporte bien en camping ou à la pêche. Des fruits séchés aussi. Et dans notre région, le camping et la pêche sont rois.
Tout ça pour dire que la transformation, c'est laborieux et que ça prend des permis. De l'assamblage, c'est moins problématique. Un peu à mi-chemin entre les deux, ça pourrait marcher.
Dire au monde entier qu'on existe et que c'est bon manger chez nous, j'y travaille...
Réflexions sur la transformation alimentaire Prise 2 très bientôt…

Wednesday 20 April 2011

Bâââââââââh!

Voici Barnabé et Méo Penché, nos deux nouveaux béliers Arcott-Canadien (http://www.sheepbreeders.ca/breed_profiles/canadian_arcott.html), des béliers «à viande» comme on dit. Dans le jargon, on appelle ça une race terminale, c'est-à-dire que peu importe si des femelles ou des mâles sont issus du croisement de ce bélier avec une femelle quelconque, les agneaux seront bons pour le marché (abattoir) i.e.: auront une prise de poids rapide et facile et pourront rapidement quitter la ferme pour que les femelles soient remises gestantes. Oui, je sais, c'est très mercantile, mais il faut bien exercer une activité commerciale plus payante si on veut aussi exercer des activités plus nobles comme contribuer à sauver une race du patrimoine. En plus, l'idéal étant d'utiliser une femelle F1 avec ces béliers terminaux, la recette rétrécit de beaucoup le choix des races utilisées. Une femelle F1 est une femelle issue du croisement de deux races pures, c'est donc le premier degré de croisement, d'où le terme F1. En général, la recette est de croiser une race maternelle (qui agnelle facilement, qui est «mère-poule» et qui donne beaucoup de lait pour bien «partir» ses petits - comme une Dorset ou une Arcott-Rideau) avec une race prolifique (qui donne plusieurs petits par portée - comme une Romanov). Le résultat souhaité pour le marché serait donc un bébé qui serait né triple ou quadruple, qui aurait bénéficié du lait riche de sa mère dès le départ et qui aurait ensuite possédé la génétique pour transformer son fourrage et sa moulée en viande rapidement, pas au-delà de quatre mois. Une recette. Mais comme toute bonne recette, le gâteau parfois ne lève pas. Et puis c'est toujours la même recette avec toujours les mêmes ingrédients. Mettons qu'on essaie de faire un Paris-Brest maintes et maintes fois, on va finir par y arriver, et tous les autres qui s'essaient aussi. Mais que va-t-il arriver au Mille-Feuilles? À l'éclair au chocolat? Au carré de sucre à la crème? Personne ne va tenter de maîtriser la confection de ces desserts…
Il y a des races de moutons qui vont se perdre pour des raisons mercantiles. Qu'est-ce qui est arrivé au Melon de Montréal? http://semeurs.free.fr/wiki/index.php?title=MELON_de_Montréal Il était délicieux, mais fragile comme une poire. Il a été délaissé pour la simple raison qu'il ne «shippait» pas bien. C'est la même chose avec des races de moutons petites, mais rustiques, comme la Icelandic ou la Black Welsh Mountain. Est-ce que ces races seront disparues dans une trentaine d'années parce que la «recette» des années 2000-2010 était l'agneau lourd?
Y a-t-il moyen, sur une même ferme, de se «racheter» de ce génocide en élevant aussi une race en voie d'extinction? Peut-on faire de l'agneau commercial pour payer sa faucheuse et sa moulée, mais aussi contribuer à sauvegarder les caractéristiques extraordinaires de races oubliées ou délaissées? Je me pose souvent la question. Je sens une certaine responsabilité peser sur mon dos. Pour les derniers 5 ans, j'ai eu des sujets Icelandic dans mon troupeau. Tant que mon objectif était de produire du lait, ça tenait encore la route, mais depuis qu'on a décidé de faire de l'agneau lourd, les quelques sujets purs qui vont s'éliminer d'eux-mêmes dans les saisons qui viennent sont une bonne chose. Ce sont des sujets petits, qui ne cadrent pas du tout dans les objectifs de gain de poids et de productivité destinés à l'Agence de mise en marché. C'était pourtant une belle petite race, très rustique, les agneaux gambadant et sautant sur le dos de leur mère dès la première journée de vie. Les mères dévoraient tout sur leur passage: écorce de bouleau, talles de framboisiers, jeunes plans de craquias, quenouilles, etc. sauf que quand elles avaient épuisé toutes ces nourritures, elles trouvaient moyen de passer l'autre côté de la clôture pour brouter l'avoine qui poussait chez le voisin, tandis que nos autres brebis braillaient de jalousie. De vraies chèvres, ces Icelandic. Les autres races que nous avons élevées ont plutôt été sélectionnées depuis des décennies pour le docilité et leurs qualités maternelles, comme la East Friesian, et sont donc plutôt faciles à manipuler. Une race ancienne qui cadre bien avec les objectifs de l'Agence de vente est la Dorset. Il y en a avec ou sans cornes. http://en.wikipedia.org/wiki/Dorset_(sheep) ou http://www.dorsetsheep.org/thebreed.html  C'est même une race qui a déjà été traite dans sa région d'origine. C'est un bon compromis, je crois.
Pour revenir à notre race du début, l'Arcott-Canadien, celle-ci a été développée depuis les années '70 au Animal Research Center d'Ottawa (d'où l'acronyme Arcott) avec deux races elles-mêmes assez modernes, l'Île-de-France (croisement de Mérino avec Dishney) et la Suffolk (croisement de Southdown avec Norfolk). L'élevage moderne s'appuie donc sur des races qui sont déjà des recettes, ou qui sont des races anciennes avec de très belles qualités. Si les bonnes qualités d'une vieille race sont incorporées à une nouvelle, ça n'assure par la pérrenité de l'ancienne race, mais au moins ça assure la pérrenité des ses meilleures qualités. Pas une mauvaise chose. Qu'en pensez-vous?

Monday 11 April 2011

7 000$ pour une «wééguine»...


Cette année, on loue les terres à Monsieur Proulx, 4km plus loin sur le rang. Près de 80 acres pour faire du foin, un contrat de 5 ans. Bien sûr, faudra le transporter jusque chez nous pour le donner à nos animaux. On fera probablement des grosses balles rondes. C'est pesant. D'habitude on fait ça sur une «wééguine» qui est la prononciation habitante de «wagon», le mot anglais. Celles pour les balles carrées ont des ridelles, ça fait comme une cage, et celles pour les balles rondes sont plates avec deux espèces de garde-fous à angles à l'avant et à l'arrière pour empêcher les balles de rouler et de tomber (voir photo 1).
Bon, évidemment, y faut que ça soit solide même si ça roule pas vite. Quand on a des petites roues cheap et qu'on pogne une bosse chargé de balles ça donne une roue toute frisée (voir photo 2).
Mon chum a vu une wééguine neuve chez Rosaire, une vendeur de pièces et machinerie. 7 000$.
Oui, sept mille dollars pour une plateforme avec 4 roues pis des barres de métal! Combien d'agneaux vous pensez que je devrais vendre pour payer ça? 42 agneaux de 100 lb. Ben je peux pas. Va falloir que mon chum fasse avec la vieille wééguine pis qu'y prie à chaque fois qu'elle est chargée. Une chance, avant avec notre vieux tracteur White 1370 1973, mon chum avait peur que la 3e vitesse lâche en descendant une côte avec un voyage de foin, une situation qui peut être fatale. Vous imaginez qu'une wééguine a pas de freins, donc c'est le tracteur qui prend toute la charge, et si la charge essaie de dépasser le tracteur on peut se retrouver avec une situation «jack knife» et c'est le terrible accident! Voici un des dangers qui guette l'agriculteur dans ses tâches. La plupart des machines sur une ferme sont faites pour enfoncer, couper, attacher, presser, fendre, hacher, enrober, râcler, déchiqueter, voyez le genre? Pis ces machines là faut les graisser (j'ai d'ailleurs acheté un gun à graisser à pile rechargeable, comme les drills, à mon chum pour qu'il puisse graisser ses machines partout, partout!) et pour bien les graisser, faut qu'elles tournent. Vous imaginez pas le nombre de bras qui se sont pris dans des straps ou des chaînes et le nombre de tubes de graisse ou de canisses d'huile qui ont revolé depuis l'avènement de l'ère industrielle! C'est pour ça que ça prend des machines en état de marche, graissées et pas de la dernière guerre mondiale pour bien travailler. La plupart des machines neuves ont des dispositifs de sécurité maintenant. Ça s'est déjà vu un agriculteur se faire enrober par son enrobeuse (et en mourir) et un autre se faire déculotter pas sa batteuse (un cas vécu par le père de mon voisin Michel - son père est pas mort, mais Michel a appris beaucoup de sacres ce jour là). Bon, y'a encore des machines de la dernière guerre qui marchent bien, car elle sont entretenues, souvent par le même propriétaire qui les a achetées, mais se sont l'exception. Bref, y'a plein de machines qu'il est impératif d'avoir sur une ferme et elles coûtent toutes un bras. Mon beau frère par exemple, s'achète un nouveau râteau à foin cette année. Ça, ça fait juste le râcler, le foin. 18 000$. Oui, vous avez bien lu: dix-huit mille bidous! Pour faire vos foins vous avez aussi besoin d'une faucheuse, d'un faneur, d'une presse, peut-être d'une enrobeuse et... de wééguines! Et toutes ces machines ou ces outils coûtent cher.
Cette année, je crois que notre wééguine à balles rondes va avoir des nouveaux rims et des nouveaux pneus et on va mettre une wééguine neuve dans le budget 2012.
Dans un prochain blogue, je parlerai des nouveaux béliers Arcott-Canadiens qu'Étienne ira chercher à Princeville dans les semaines qui viennent, de mes semis de melons, des semailles et de l'adaptation à notre nouveau logiciel de gestion. Premier orage de l'année cette nuit, signe que la température passe du froid au chaud. Les bibittes dégèlent dans les campagnes... certaines se retrouvent sur une terrasse de la rue St-Denis, d'autres s'affairent au champ.

Thursday 7 April 2011

J'arrive en ville.

Me voici, parce que j'ai écouté Michelle Blanc et lu son livre Les Médias Sociaux 101 et qu'elle dit que le roi des médias sociaux est encore et toujours le blogue, que je me lance. Je vais essayer de ne pas toujours bitcher, quoique ça m'arrive régulièrement (je suis de nature à péter les plombs spontanément) mais je suis aussi (quand même!) positive et très déterminée. Depuis 5 ans, mon conjoint et moi avions un projet de fromagerie qui s'est avéré titanesque. Pour enfin avoir une fromagerie sur la ferme et transformer le lait de nos brebis, il nous faudrait investir un autre demi million de dollars avant même de commencer à faire une seule vente! La bureaucratie, la réglementation, le financement et la multiplication des intervenants ont eu raison de nous.

Dans ce blogue, vous pourrez suivre (si ça vous intéresse) comment je vais tenter de m'en sortir et trouver de nouvelles idées pour réussir à rentabiliser ma ferme de 143 acres située dans les Hautes-Laurentides.

C'est le printemps, quoique le calendrier soit une lune en retard, et je vais bientôt partir mes semis de melons, cantaloups, poivrons, aubergines et tomates. Le reste (name it, we've got it) sera semé aux champs directement. Cette année, nous aurons au moins 6 variétés de maïs sucré à proposer. Nous allons aussi commencer à utiliser un logiciel de gestion de troupeau qui s'appelle BerGère et qui a été créé par l'ingénieur informatique Jacques Kirouac (oui, oui) en Estrie. Ce logiciel nous permettra de suivre nos bêtes de façon serrée, de mieux contrôler les étapes ce chaque cycle de production (flushing-effet bélier-mise au bélier-gestation-mise bas-lactation-tarrisement-et on recommence!). Avant, nous produisions accessoirement de la viande avec nos races de moutons laitiers, car nous les élevions pour le lait et les agneaux n'étaient pas très beaux. Maintenant, nous avons de belles races à viande et nos méchouis sont de mieux en mieux. Donc, nous allons nous «revirer de bord» et faire de l'agneau lourd comme on l'appelle dans le jargon du métier. Pour vous mélanger, sachez que l'agneau de lait et l'agneau léger se vendent à la lb vivants à l'encan et que l'agneau lourd se vend au kg carcasse à l'Agence de vente des agneaux lourds. Oui, je sais, nous aussi on trouve ça bâtard, mais on va essayer de tirer notre épingle du jeu. Comment fait-on pour évaluer combien pèsera un agneau une fois abattu et éviscéré? Disons qu'une règle simple est qu'on retranche 55% du poids vivant et ce qui reste, c'est ce qu'on appelle la carcasse chaude. Voilà. Dans quelques semaines, nous ferons affaire avec l'Agence pour la première fois. Nous avons des agneaux nés cet automne dans la bergerie qui font autour de 100 lb vivants. Selon le Guide du Producteur, un agneau lourd est un agneau de moins de 1 an d'au moins 80 lb vivant (36.3 kg) parce que 36 lb (16.4 kg) carcasse.

Je m'arrête ici et je vous reparlerai du système de classification qui vient avec... le prix est fixé au kilo, mais la carcasse peut être surclassée ou déclassée selon qu'elle est trop grasse ou autres considérations.

À la prochaine!