Wednesday 27 April 2011

Là où ça compte-Prise 1

Discuté avec ma mère au téléphone cette semaine: une personne avec qui j'ai suivi la journée de formation Stratégies de marketing pour kiosque à la ferme à La Malbaie le 29 mars dernier lui a dit qu'il faut absolument transformer ses produits pour survivre en agriculture aujourd'hui. Cette personne court après sa queue dans le monde épuisant de la mise en marché «maison». Quoique je suis encore convaincue du bien-fondé de la chose, j'ai des nuances qui ont commencé à apparaître dans mon portrait. C'est vrai que mon comptable m'a dit que les meilleures entreprises agricoles qu'il connaisse sont sous gestion de l'offre et qu'elles font un très maigre profit, quand elles ne font carrément pas juste kif-kif. C'est vrai que la matière première (que nous, agriculteurs, produisons) est cheap par rapport au prix payé à l'épicerie (que nous, consommateurs, payons) et qu'entre les deux, on s'en doute, une myriade d'intermédiaires essaient de faire leur profit en justifiant que s'ils n'existaient pas, le lien entre producteurs et consommateurs ne se ferait pas.
C'est vrai aussi que depuis que j'ai été mise en face de l'évidence que les coûts reliés à l'installation d'une petite usine laitière en milieu agricole ont décuplé depuis notre idée il y a 5 ans, ils sont rendus astronomiques (en plus des règlements qui s'ajoutent à chaque année). C'est vrai aussi que des fromages étrangers fabriqués selon des méthodes interdites ici entrent à pleins conteneurs au pays et coûtent moins chers rendus ici que les fromages locaux.
Ma nuance est la suivante: est-ce nécessaire de TOUT transformer? Le gars qui fait 3 millions par année et celui qui fait 30 000$ par année vivent sous le même soleil, profitent des mêmes 7 jours par semaines et des mêmes 24h dans une journée. Y'en a une qui travaille plus smatte que l'autre…
Je suis en train de me demander s'il n'y a pas des produits qui sont plus importants que d'autres à transformer, dont la marge de profit est plus intéressante et qui offrent les plus belles perspectives de développement, tout en demandant des investissements raisonnables.
Les fromageries, c'est des laboratoires. Les volumes transformés ne justifient pas les normes imposées aux microfromageries telles qu'à celles des géants.
Des fois, je me prend à rêver à de grands coups d'éclat, de grandes révolutions, par exemple, qu'est-ce qui se passerait si tous les producteurs au Québec cessaient de fournir de la viande toute une semaine? La campagne de sensibilisation s'accompagnerait d'une invitation à se procurer de la viande directement chez un producteur. Une pancarte promotionnelle serait plantée devant chaque ferme participante et on pourrait y lire: «Vous voulez de la viande? Venez nous voir!». Y'a pas juste le lien entre le consommateur et l'agriculteur qui s'est brisé. Le lien entre le mangeur et la nature est complètement brisé lui aussi. Ça fait deux maillons à réparer. C'est pas les journées Portes Ouvertes de l'UPA qui vont changer les choses. Trop buccolique. À ces journées, on voit jamais l'agneau mort-né le matin que le fermier a pas eu le temps d'aller porter sur le tas de fumier. On voit pas la réalité.
Un chroniqueur bien connu du journal Le Devoir écrivait déjà (et ça m'avait choquée) à l'époque des accommodements raisonnables que la plupart des ruraux n'avaient jamais vu «des arabes» qu'à la télé. J'avais eu envie de lui écrire,  et j'aurais du le faire, que la plupart des citadins avalent leur café avec lait ou café-crème tous les jours et n'ont jamais vu une vache de près de toute leur vie. C'est quand même incroyable! Comment en est-on arrivés là? Comment en est-on arrivés à traiter notre nourriture sur le même pied d'égalité qu'une clé USB ou qu'une voiture?
Une grosse partie des citadins s'imagine que «ça pousse tout seul» et que ça «s'élève tout seul». Peut-être. Mais ça se sème tout en même temps, c'est prêt tout en même temps, c'est en demande tout en même temps et c'est périssable tout en même temps. D'où les machines et la main d'oeuvre, la planification et la gestion. Comment atteindre un équilibre entre fraîcheur et conservation?
Tant que l'animal est en vie, la viande ne se gâte pas. Tant que certains légumes sont dans des conditions climatiques idéales, ils se conservent naturellement très bien.
D'où mon idée (pour revenir à l'idée première de cette entrée dans mon blogue) d'utiliser une variante de la formule ASC (Agriculture Soutenue par la Communauté) très en vogue depuis quelques années (vous savez, les paniers de légumes bio livrés à un point de chute chaque semaine?): mes paniers thématiques sur commande! Ta-da! J'entretiens mon blogue, mes pages Facebook et Twitter, et tiens mes clients au courant de ce que je concocte pour eux pour la prochaine fête (ou le prochain week-end, éventuellement). Vous recevez une petite gang pour Pâques? Je vous fourni les pièces d'agneau, les condiments, les légumes pour 4, 6, 8, 10, 12 personnes et inclus recettes et façons de faire détaillés pour que vous réussissiez à servir votre souper avec des produits sains et de prime fraîcheur directement de chez le fermier! Par exemple, pour revenir à Pâques, gigot d'agneau du printemps, sirop de menthe, patates, panais, oignons, courges, ail, fines herbes, tous de la ferme, avec recettes pour cuire l'agneau et l'accompagner. Vous n'aurez qu'à vous assurer de ne pas manquer de beurre cette fin de semaine là! Le thème du panier pourrait même être envoyé à votre SAQ et vos invités pour que votre conseiller ait déjà quelques vins à vous suggérer pour mouiller votre souper! Votre soirée a été un succès? Renouvelez l'expérience à la Saint-Jean-Baptiste et commandez votre méchoui pour 20 avec tous ses ingrédients pour les accompagnements ou laissez-nous vous proposer le menu pour votre petite gang de 6. Des kebabs déjà marinés et prêts à cuire au BBQ par exemple, avec des petits pois frais ou des asperges, des belles tomates de serre, vous n'aurez qu'à vous assurer d'avoir du couscous à la maison. Y parait que c'est tendance en marketing et ça s'appelle de «l'assamblage». Au supermarché, avez-vous remarqué que pendant le temps de fraises, des gâteaux des anges tout prêts sont présentés juste à côté et que des coupons pour de la crème vous invitent à passer au comptoir des produits laitiers?
Pour revenir à la transformation, c'est tentant d'aller vers les légumes parce que c'est bien moins réglementé, mais c'est tellement périssable! La viande, même congelée, reste «fraîche» aux yeux des consommateurs, sauf que c'est tellement plus dangereux «d'empoisonner» les clients avec de la viande mal manipulée ou passée date qu'avec des légumes que la réglementation est beaucoup plus sévère. Bon, si votre champ de tomates est contaminé par un parc d'engraissement de bouvillons qui ne mangent que du maïs ensilage, comme ça arrive aux États, et que vos tomates suintent d'un jus virulent de E.coli violent, c'est peut être aussi dangereux, mais pas ici dans notre région.
Bref, les petits pots, c'est bien beau, mais de la viande fumée et du saucisson ça s'emporte bien en camping ou à la pêche. Des fruits séchés aussi. Et dans notre région, le camping et la pêche sont rois.
Tout ça pour dire que la transformation, c'est laborieux et que ça prend des permis. De l'assamblage, c'est moins problématique. Un peu à mi-chemin entre les deux, ça pourrait marcher.
Dire au monde entier qu'on existe et que c'est bon manger chez nous, j'y travaille...
Réflexions sur la transformation alimentaire Prise 2 très bientôt…

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