Thursday 26 May 2011

Cri du coeur


Dans La Terre de Chez Nous de cette semaine, un cri du coeur des producteurs de porc (repris en choeur par les producteurs de bovins de boucherie et les producteurs d'agneaux) interpelle le lecteur dès la Une.
On dit aux agriculteurs qu'il faut s'adapter et innover. Je veux bien, mais pas 5 fois par année! Les autres industries ne s'adaptent jamais aussi souvent, d'autant plus qu'elles voient le résultat des adaptations beaucoup plus rapidement! Exemple, si je dois améliorer mes agneaux, faut que je m'y prépare, ensuite il y a la gestation de 5 mois puis l'élevage de ces agneaux pendant environ 4 mois donc, environ 10 mois de temps de réaction. C'est quasiment 1 an! Vous savez dans L'Actualité il y a de ça quelques mois on y présentait un article sur les capitaines du fleuve, ces pilotes qui "take over" les cargos pour les conduire dans le fleuve Saint-Laurent jusqu'à bon port. Ces cargos font en longueur la même hauteur que la Place Ville-Marie à Montréal. S'ils arrêtent les machines, le cargo ne stoppera pas avant un kilomètre! Ben en agriculture, ça ressemble à ça: une grosse machine qui a pas le choix de faire avec la nature.
En plus de multiplier les règlements et mesures d'écoconditionnalité, le gouvernement traite les agriculteurs comme des pollueurs et des enfants d'école. La raison pour laquelle les producteurs essaient de maximiser leurs superficies et leurs rendements c'est qu'ils ont des cennes pour leurs produits et que les coûts des règlements et de l'écoconditionnalité leur sont refilés (d'autant plus frustrant qu'ils leur sont imposés). On est même plus chez nous, chez nous. Imaginez-vous donc que pour déplacer, enlever ou installer une calverette, j'ai besoin d'un permis du Ministère de l'Environnement (MDDEP)!!! Bien entendu, ce même Ministère veut mettre son nez dans mes affaires et zyeutera sans doute mon tas de fumier et la distance de ma clôture du cric qui passe à côté de mon paddock à chevaux. Bref, vous avez compris, on les veut pas chez nous ce monde-là. Le «tournage de coins ronds» devient alors un sport et un métier. Certains agriculteurs font faire faire leurs travaux en douce le dimanche ou encore s'ils ont l'avantage d'être camouflés par un boisé ou de vivre creux, ils font encore ce qu'ils veulent (les chanceux!).
Les producteurs d'agneaux dans les derniers trois ans ont dû s'adapter pas à peu près. Tout d'abord, l'ASRA (Assurance Stabilistion des Revenus Agricoles qui compense la différence entre le coût de production (pas le nôtre, une moyenne des 75% qui s'en tirent le mieux) et le prix de vente) était avant calculé sur le nombre de brebis reproductrices (t'as 115 têtes, t'es compensé X). Maintenant, c'est au kilo d'agneau vendu. Je dois donc «pousser» mes brebis et modifier ma génétique pour obtenir le plus d'agneaux par portée et faire faire 3 agnelages aux 2 ans à mes brebis plutôt qu'une par année. On parle de plus de foin, de meilleure qualité (pas de notre ressort) et de plus de grain et moulée (le prix monte sans cesse). En plus, c'est pas facile à faire parce que les brebis ont naturellement un cycle comme celui des chevreuils. Elles viennent en rut à l'automne et mettent bas au printemps. Pour faire 3 agnelages aux 2 ans, il faut au moins une mise au bélier à contre-saison. Certaines races le font bien et d'autres pas. Si nos races ne sont pas «désaisonnnées», faut modifier la génétique et, en plus, faut utiliser des hormones pour obtenir un meilleur taux de fécondité à contre-saison. Est-ce que c'est ce que l'agriculteur veut? Pas nécessairement, mais sa rentabilité en dépend. Pis c'est drôle hein? Les subventions sont des attrape-nigauds (même si on est pas dupe) car souvent, ce sont des subventions de paperasse (75% du coût de rédaction d'un plan d'action et d'adaptation bla, bla, bla - voyez le genre?) alors qu'un technicien qui sait ce qu'il fait pourrait venir nous montrer à poser les éponges comme du monde (les hormones de tantôt sont sous forme d'éponges qu'on doit insérer dans le vagin des brebis, une par une, avec un instrument spécial - je sens que ça vous tente moins là…). Mais ça, c'est pas dans les subventions. Tiens une autre affaire: on est cruel parce qu'on pose des élastiques sur la queue à la naissance pour que la queue couvre la vulve et que le bout qui reste se nécrose et tombe. Moi ce que je trouve qui est dégueulasse, c'est de mettre une éponge à une brebis qui a une grosse queue laineuse pleine de marde qui descend jusqu'à ses jarrets, et qu'elle fait gigoter dans ma face! L'élastique ne lui fait pas mal et tombe avec le bout de sa queue après quelques semaines. Point final à la ligne.
J'ai pas fini. Depuis 2008 il y a maintenant l'Agence de Vente d'Agneaux Lourds. Maintenant, tous les agneaux qui dépassent un certain poids doivent impérativement être mis en marché à travers cette agence. Pensez-vous qu'il y a des coûts, des conditions et des formulaires à remplir en plus de devoir s'inscrire, obtenir un numéro de producteur, etc.? Eh oui! Comme toujours! Et ça, ça s'ajoute aux autres formulaires et autres tracasseries administratives. Par exemple, cette semaine j'envoie pour la première fois des agneaux qui font le poids à la vente à travers l'Agence. Si je veux vendre les agneaux au client de mon choix, je dois envoyer le formulaire P6. Les vendre à l'Agence, qui s'occupe d'arrimer l'offre avec la demande des acheteurs, le formulaire P4 - en deux exemplaires, un pour l'Agence, un pour le transporteur. L'offre de vente comme telle, le formulaire P3 (combien d'agneaux, à quel abattoir - comme si on avait l'embarras du choix - le sexe et le poids moyen). Ensuite il faut que je m'assure que mes agneaux sont bien activés chez ATQ - Agri-Traçabilité Québec. C'est à cause d'eux que je dois «crouncher» des boucles dans chaque oreille de chaque agneau au coût de 2.19$ si je commande en paquets de 50, sinon c'est plus cher. Ça arrive souvent que les animaux s'arrachent les boucles (on appelle ça aussi des «tags») et il faut alors faire un remplacement de boucle. Il s'agit non seulement de crouncher un nouveau tag sur les oreilles, mais si l'animal s'est déchiré l'oreille, il est difficile de le poser. Comme c'est en paire il faut remplacer les deux tags, pour que le code à neuf chiffres corresponde. Vous ai-je dit qu'il faut attraper la bête et la maintenir parce qu'elle n’aime pas tellement se faire crouncher un tag dans l'oreille? Ça gigote fort un agneau de 80 lb ! Bon, c'est fait? Il faut appeler chez ATQ pour déclarer le remplacement, donner l'ancien et le nouveau numéro, le sexe et la date de naissance de l'animal. Bon, ça, c'est quand il en manque. Un animal auquel il manque un tag expose le transporteur et le producteurs à des amandes. Là quand on a notre gang de prête, il faut remplir le formulaire de déplacement des ovins d'ATQ. Re-remplir un formulaire comme le P4, avec le code à neuf chiffres de chaque agneau qui part dimanche prochain. Une copie pour le transporteur, une pour l'abattoir. Il faut tout faire ça bien comme il faut, car c'est avec ces informations qu'on se fait payer - elles sont transmises à la Financière Agricole qui administre l'ASRA. Une vraie souricière.
Ah oui! À l'abattage, les agneaux lourds sont classifiés. Un agneau peut surclasser ou déclasser. La conformation (viandeux ou pas viandeux, sur une échelle de 1 à 5, pour le gigot, la longe et l'épaule) et le gras (en millimètres, sur la 12e côte, à 11cm de la ligne médiane du dos - êtes-vous écoeurés déjà?) sont mesurés et la jonction de ces deux indices sur un tableau classe l'agneau. Jusqu'à l'année dernière, un agneau qui «déclassait» faisait déclasser le lot complet du producteur cette semaine-là. Maintenant, seulement l'individu déclasse. Vous vous imaginez bien qu'il fallait envoyer un groupe uniforme en titi pour avoir un beau chèque! Il y a des pénalités pour livrer des agneaux plus lourds qu'annoncé dans notre formulaire P3, si le gras est trop élevé, etc. Tout ça pour standardiser l'Agneau du Québec. Moi le dimanche matin j'ai ma chienne de travail pis mes bottes et quand je vois l'Agneau du Québec à 30$ le kilo à l'épicerie et que j'en reçois 8.30$ carcasse (poids de l'animal mort, vidé et décapité - environ 55% de perte par rapport au poids vivant) j'me demande pourquoi je deviens pas intermédiaire moi-même. Ça a l'air d'être eux qui font l'argent. Peut-être parce que je suis tellement occupée à survivre et à calculer que j'ai pas le temps pour une autre business? La prochaine fois que vous savourez l'Agneau du Québec, dégustez-le, car énormément d'énergie est allée dans sa création!

Monday 23 May 2011

Et la famille, ça va?

Peut-être que plusieurs s'imaginent que c'est idéal d'élever ses enfants sur une terre: ils ont de l'espace, apprennent plein de choses, voient la vie et la mort de près, etc. C'est vrai tout ça, mais les parents, eux, n'apprécient peut-être pas toujours que leurs enfants aient beaucoup d'espace, qu'ils soient savants, voient autant la mort que la vie de près, etc. C'est que les parents sont très occupés. Surtout l'été, période où les enfants ont justement, eux, tout leur temps (pour faire des mauvais coups).
J'essaie de m'imaginer ce que ça devait être élever ses 9 enfants derrière le comptoir d'un snack-bar (je pense aux soeurs Laurier). Je pense à toutes ces femmes qui ont du aller traire les vaches avec un petit dans le dos. Celles qui ont du confier leurs enfants trop jeunes à d'autres pour accomplir leur besogne (je pense à ma chère tondeuse, Nicole). C'est que les agricultrices n'ont pas de congé de maternité. Même si elles étaient compensées financièrement pour prendre soin de leur enfant pendant la première année, elles ne seraient pas remplacées comme à la Caisse Pop. Personne ne fera la comptabilité à leur place, l'épicerie, tailler des sabots ou se pencher pour ramasser des patates. Et toutes ces tâches doivent être faites. Soit elles sont faites par le chum, qui en plus de tout ce qu'il a déjà à faire en prend un peu plus sur son dos, ou que la femme s'acquite des ses tâches habituelles avec juste un bras et à des drôles de moments de la journée (lire, quand bébé décide de faire la sieste). Épuisant, vous dites? L'intendance d'une maison est une job. Quand on est payé pour faire cette job on s'appelle un concierge et on fait habituellement un bon taux horaire. S'occuper et éduquer des enfants c'est une job aussi. Quand on est payé pour le faire, on s'appelle une puéricultrice. En général, on est payé moins cher qu'un concierge ou un itendant. La comptabilité et l'administration d'entreprises sont des jobs. Quand on est payé pour faire ça ont fait généralement un salaire convenable.
Les agricultrices, en plus de faire partie du segment de population qui tire le plus le diable par la queue (les agriculteurs) sont doublement hypothéquées: si elles restent à la maison, occupées qu'elles sont avec les petits dans les bras, elles voient tout ce qu'il y a à faire et se rongent les sangs, si elles travaillent à l'extérieur, elles sont compensées financièrement pour cette job, mais doivent tout de même effectuer leurs tâches à la ferme en plus de leur devoir de mères, jusqu'à ce qu'elles retournent au travail, en dehors. En général, toute la paperasse est démêlée par les femmes. C'est une job chiante, qui demande de la concentration, ce qu'on n'a pas lorsqu'on est jeune mère. Un bébé ou un enfant nous interrompt constamment.
La conciliation travail-famille est loin d'être atteinte, même au Québec. J'aimerais bien visiter les pays scandinaves pour voir comment les femme s'en tirent là-bas. Parait-il que les femmes y sont très bien organisées. J'ai déjà lu que toute entreprise de plus de 5 employés doit fournir une garderie en milieu de travail! Pas eu le temps d'aller vérifier si c'est vrai…
C'est sûr que de voir son enfant croquer une petite fève verte directement au jardin, encore chaude du soleil qui lui a plombé dessus, c'est un plaisir, mais ce plaisir est le fruit d'un certain sacrifice. Je ne suis pas certaine que l'abnégation n'est pas une vertue propre à la maternité et non pas à l'entrée en religion. Probablement que les «bonnes soeurs» avaient plus la paix au couvent qu'au milieu d'une famille, que le rythme de la prière et des repas sonnés par la cloche est plus reposant que le cinq minutes de silence atteint alors que mari et enfants mastiquent un rapas réussi (watch-out les 5 minutes de folie qui suivent le dit repas!).
Tout ça pour dire qu'élever des enfants c'est déjà dur et que quand on aime sa job, on ronge son frein, impatiente de retourner aux champs ou à la traite. J'ai perdu mon équilibre et autant que j'aime mes enfants, j'ai besoin aussi d'aller jouer dehors et j'ai besoin aussi d'avoir une maison propre et j'ai besoin aussi, parfois, de me sentir au dessus de mes affaires, ce qui est rare. À part me clôner, je ne vois pas d'autre solution que de couper les coins ronds un peu partout: une maison moins qu'impeccable, des moutons qui ont les onglons retroussés comme des babouches, une comptabilité approximative, des enfants pas toujours bien peignés et habillés, des oublis à l'épicerie.
J'me sens comme une machine imprimante-scanner-photocopieuse-fax. Pas trop bonne à faire aucune de ces tâches très bien. Ça a l'air bien beau sur la boîte, mais ça fait ce que ça peut.
Ma seule consolation c'est que moi c'est temporaire, que je vais retrouver un certain équilibre et que, fait rare, quand mes enfants vont débarquer de l'autobus scolaire, ils auront une maman, des biscuits et un sourire, ce que beaucoup de petits n'ont pas aujourd'hui. Il y a des sacrifices qu'on sait pour quoi on les fait.

Friday 6 May 2011

Il pleut, il mouille, c'est la fête à la grenouille.


Janette Bertrand a déjà dit qu'elle avait toujours trouvé les cultivateurs chialeux de la température jusqu'à ce qu'elle cultive elle-même des légumes et en voit pourrir la majorité à cause d'un été plus que pluvieux. Depuis ce temps, elle comprend que quand nous, cultivateurs, perdons nos légumes, c'est notre revenu que nous perdons!
Les conditions idéales sont rarement réunies. Idéalement, ça prend beaucoup d'eau au printemps pour bien gorger le sol. Ensuite, de la chaleur et du soleil pour faire «lever» et puis un temps très sec dès la mi-juin pour faire les foins. Un peu de vent ne nuit pas, car ça aide à faire sécher. Pour faire du foin sec, c'est idéalement 3 jours. On vérifie la météo de plusieurs sources pour sa région, plus les cartes radar et infrarouge pour l'Amérique du Nord et on scrute le ciel local. On détermine si on  pense avoir ces 3 jours de beau temps et on se lance (surtout si on voit le voisin passer avec sa faucheuse)! Les machines doivent être prêtes et graissées, la corde achetée, les pneus gonflés sur les wééguines (voir un blogue précédent) et les roues des accessoires (râteaux, faneurs, etc.). Le foin doit être coupé après la rosée. En général, rares sont les cultivateurs qui vont faucher avant le dîner. Ensuite, faut que ça sèche. En juin, les orages violents, mais brefs, sont nombreux. S'il pleut sur le foin fraîchement coupé passe encore, mais s'il pleut sur du foin sec prêt à ramasser, il va virer jaune, être poussiéreux et être de moindre qualité. Les foins de juin, la première coupe comme on l'appelle, qui est la plus importante pour l'énergie, est LA job la plus importante de toute l'année. C'est pas pour rien que tout le mois de mai et première moitié de juin, le cultivateur se fait du mauvais sang. Tout peut virer «boutt pour boutt»! Pas de foin en quantité et qualité vont influencer les animaux qu'on garde ou ne garde pas pour l'hiver, car c'est leur ration qui est compromise. Pour un agriculteur sous gestion de l'offre, dans la vache laitière par exemple, un foin de moindre qualité veut dire plus de moulée et plus de vaches à traire pour la même quantité de lait vendu. La deuxième coupe, celle du mois d'août, peut arranger les choses, mais en général, celle-ci comporte moins d'énergie et plus de fibre. On choisira de soigner avec ce foin à un autre moment, où les besoins énergétiques de l'animal sont moindres (à l'entretien plutôt qu'en gestation ou en lactation). Tout ça pour dire que «les foins» sont la job la plus importante, la plus cruciale, la plus élémentaire de l'année. Tout dépend de la qualité de cette job-là quand on  élève des animaux. 
En 2008 et 2009, nous avons vu les pires étés depuis longtemps en fait de pluie. Trop d'eau ne permet pas de faire les foins. Quand la plante arrive à maturité, ses qualités nutritives se dégradent vite. Si on a le temps de faucher, le foin lui n'a pas le temps de sécher et on le récolte alors trop humide. C'est là qu'on a besoin d'une enrobeuse, pour enrober chaque balle de plusieurs couches de plastique pour créer un environnement anaérobique (sans oxygène). À ce moment survient une fermentation et des enzymes digèrent certaines substances. Le résultat donne un foin humide ou semi-sec, sans poussière, mais plus acide, dont la qualité nutritive est souvent excellente. Personnellement, l'odeur de levure d'une balle d'ensilage me déplaît grandement. De plus, l'humidité contenue dans une balle est apportée en bergerie et contribue à l'humidité ambiante.
Ça, c'est pour le foin. Maintenant il y a les semailles qui s'en viennent. Si on cultive du grain ou des légumes, trop d'eau veut dire pourriture, plus de limaces et autres bestioles qui aiment l'humidité. La sécheresse c'est autre chose. Si elle arrive tôt, au moment de la germination, cela peut tuer toute chance de réussite. Si la sécheresse arrive plus tard, elle peut compromettre la croissance. Un manque de lumière due à la grisaille permanente ralentit la croissance et donne des récoltes tardives et moindres. Au moment où j'écris ces lignes, plusieurs habitants de la Montérégie sont évacués à cause des crues qui font déborder les rivières de leur lit. Tant que le sol n'a pas absorbé toute l'eau, on ne peut pas «rentrer» dans les champs sans «tracer», c'est-à-dire faire de grosses marques profondes dans le sol avec les roues du tracteur. D'habitude on sème l'avoine autour du 16 mai. Comme c'est là, on n’est pas prêts de pouvoir rentrer dans les champs pour préparer le terrain. Quand est-ce qu'on va bien pouvoir récolter l'avoine si on sème tard? Va-t-elle avoir le temps de mûrir avant que l'automne ne revienne avec son humidité (il faut récolter l'avoine à un taux d'humidité raisonnable)? L'année passée, mon chum a fini de faire certains champs de foin en octobre! Y'a jamais eu le temps de labourer les autres champs qu'il voulait avant l'hiver. C'est donc à faire ce printemps. Tracer le sol est très mauvais – quand on sait que le moindre trou de siffleux peut avoir des conséquences onéreuses sur la machinerie, repasser en travers sur ses traces équivaut à reprendre sa propre vague en bateau: ça tape fort et si on traîne quelqu'un en tripe, ça fesse fort – c'est pareil sur la machinerie. En passant, mon beau-frère me signale qu'il a finalement choisi le râteau à 22 000$, pas celui à 18 000$…
Je me souviens du stress ressenti quand mon chum m'a laissée passer le râteau (une vieille réguine à 1 500$) et qu'il est parti ailleurs, me laissant craintive, debout sur le tracteur, à scruter le sol à 20km/h dans la peur que la petite roue du râteau ne tombe dans un des dits trous et que quelques peignes du râteau ne se cassent. En plus, tout ce temps, le bout du champ approchant vite, je devais déjà choisir sur quel autre rang j'allais m'enligner pour le retour et dans ma tête je répétais: 1 sur 2, 3 sur 2; 1 sur 2, 3 sur 2;… qui veut dire que sur trois rang de fauchés, on rabat le rang 1 sur le rang 2 et le rang 3 aussi sur le rang 2, (sur un retour parce que le râteau racle juste d'un bord) ceci afin de créer un andain assez dense pour limiter le va-et-vient de la presse (faut économiser sur tout, dont le diesel ). Si vous avez de la misère avec votre tondeuse à pelouse qui avance toute seule, essayer ma job pour une après-midi, on prendra une bière ensemble à la fin de la journée pis on en jasera.
Une dernière chose: la raison pour laquelle on enrobe de plus en plus le foin c'est qu'en plus du stress de la température, si on fait des petites balles carrées, il faut que si tôt pressées elles aillent dans une grange à l'abri, car l'orage n'est jamais bien loin et la rosée du lendemain est traître. Ça, ça prend une personne pour conduire le tracteur avec la presse, une personne pour conduire le deuxième tracteur avec la wéguine qui fait du va-et-vient entre la presse et la grange, une troisième personne qui va «feeder» le monte-balle depuis la wéguine et deux autres personnes qui vont accueillir les balles dans la grange à 45°C et les placer une par une. Les balles enrobées sont à l'abri des intempéries (mais pas des #!@*&% de corbeaux qui font parfois des trous dans le plastique et là, ça ne fermente pas et la balle est perdue) et elle peuvent donc rester au champs un certain temps! Donc qui dit foin sec dit abri et main d'oeuvre, donc bâtiments et donc $$$$$. Oui, le plastique pollue, oui on jette ça aux poubelles. Mais on n’est pas pour se débattre comme diable dans l'eau bénite pour faire du foin sec juste pour les beaux yeux des «gnontommateurs»! Déjà qu'on nous bombarde «d'écoconditionnalité»: faut laisser minimum 3 mètres non fauchés des bandes riveraines, ce qui veut dire le moindre ruisseau intermittent par exemple. Ben j'ai un «cric» qui traverse ma terre, qui fait 858 pieds de large. 3 mètres c'est 9.8 pieds dont 16 817 pieds carrés (à cause de chaque bord du cric) dont .4 acres. On peut dire qu'il se perd beaucoup de foin à cause de ça. J'ai d'autres bandes riveraines que celle là. À certains endroits, l'écoconditionnalité c'est 6 mètres ou 10 mètres!!! Si c'était ça ici, ça représenterait .7 acre ou 1.3 acre. À 4 ou 5 balles à l'acre… Et ça, ce sont des pertes qui ne sont pas compensées. C'est une mesure pour «protéger les cours d'eau, les grenouilles à bosse et la turlupinette à crête mordorée». Bientôt on aura des mesures pour ne pas faire faire trop de voyagement aux animaux qui se rendent à l'abattoir et des amendes si on les transgresse!!! Bien sûr, on n’aura pas plus d'abattoir local avec carcasses inspectées, oh, noooooonnnn! Et des mesures pour empêcher les agriculteurs de virer fous, y'en-a-t-y?
Sur ce, bonne saison des foins (si la température le permet)!

Monday 2 May 2011

Un peu d'humour…

Bon, avec les deux derniers jours de beau temps, je me suis surprise en train de travailler dehors et à vouloir, étrangement, faire quelque chose de totalement inutile. Appelez ça une déformation professionnelle entre métiers liés (je suis graphiste, cinéaste et gestionnaire agricole de formation !), mais en enlevant le paillis de sur mes fraises, j'ai pensé à toute la «scrappe» qui traînait sur le terrain, à côté de (pratiquement) chaque bâtiment. Je me souviens que plus jeune, j'allais chez un drôle de gars qui faisait du «body» à Ste-Sophie (lire, un débosseleur) et qui avait comme enseigne un robot fait de rebuts de métal. J'ai moi-même à mon chalet un souvenir (de brosse?) qui date de décennies plus tôt et qui consiste en une ballerine faite avec des tiges de métal, des écrous pour les yeux et une petite fan rouillée comme tutu. Le résultat est attendrissant, oui, oui (photo bientôt).
Tout ça pour dire que, dans mon souci de me faire remarquer (je veux que mes clients me trouvent facilement et viennent acheter mes légumes cet été) j'ai pensé choisir une journée où une ou deux personnes offriraient leur talent de soudeur (mon chum est bon, mais très occupé) et où parents, amis et familles viendraient contribuer à quelques morceaux de «land art» comme ça s'appelle en anglais. J'ai déjà remarqué deux vieux abreuvoirs galvanisés qui feraient deux beaux seins à une madame épouvantail. On pourrait faire un beau héron bleu géant avec des bouts de tôle à toiture ou encore, faire quelque chose de totalement abstrait. J'ai besoin d'une nouvelle boîte aux lettres, tiens. Les morceaux non utilisés seraient mis dans une remorque pour vendre au poids. Vaccin tétanos recommandé. En même temps ça nettoierait le terrain! Pour vous donner une idée, je vous offre des liens vers quelques sites et quelques photos privées sur Flickr. Ça donne une idée des bibittes délirantes qu'on peut rencontrer dans un jardin…