Monday 23 May 2011

Et la famille, ça va?

Peut-être que plusieurs s'imaginent que c'est idéal d'élever ses enfants sur une terre: ils ont de l'espace, apprennent plein de choses, voient la vie et la mort de près, etc. C'est vrai tout ça, mais les parents, eux, n'apprécient peut-être pas toujours que leurs enfants aient beaucoup d'espace, qu'ils soient savants, voient autant la mort que la vie de près, etc. C'est que les parents sont très occupés. Surtout l'été, période où les enfants ont justement, eux, tout leur temps (pour faire des mauvais coups).
J'essaie de m'imaginer ce que ça devait être élever ses 9 enfants derrière le comptoir d'un snack-bar (je pense aux soeurs Laurier). Je pense à toutes ces femmes qui ont du aller traire les vaches avec un petit dans le dos. Celles qui ont du confier leurs enfants trop jeunes à d'autres pour accomplir leur besogne (je pense à ma chère tondeuse, Nicole). C'est que les agricultrices n'ont pas de congé de maternité. Même si elles étaient compensées financièrement pour prendre soin de leur enfant pendant la première année, elles ne seraient pas remplacées comme à la Caisse Pop. Personne ne fera la comptabilité à leur place, l'épicerie, tailler des sabots ou se pencher pour ramasser des patates. Et toutes ces tâches doivent être faites. Soit elles sont faites par le chum, qui en plus de tout ce qu'il a déjà à faire en prend un peu plus sur son dos, ou que la femme s'acquite des ses tâches habituelles avec juste un bras et à des drôles de moments de la journée (lire, quand bébé décide de faire la sieste). Épuisant, vous dites? L'intendance d'une maison est une job. Quand on est payé pour faire cette job on s'appelle un concierge et on fait habituellement un bon taux horaire. S'occuper et éduquer des enfants c'est une job aussi. Quand on est payé pour le faire, on s'appelle une puéricultrice. En général, on est payé moins cher qu'un concierge ou un itendant. La comptabilité et l'administration d'entreprises sont des jobs. Quand on est payé pour faire ça ont fait généralement un salaire convenable.
Les agricultrices, en plus de faire partie du segment de population qui tire le plus le diable par la queue (les agriculteurs) sont doublement hypothéquées: si elles restent à la maison, occupées qu'elles sont avec les petits dans les bras, elles voient tout ce qu'il y a à faire et se rongent les sangs, si elles travaillent à l'extérieur, elles sont compensées financièrement pour cette job, mais doivent tout de même effectuer leurs tâches à la ferme en plus de leur devoir de mères, jusqu'à ce qu'elles retournent au travail, en dehors. En général, toute la paperasse est démêlée par les femmes. C'est une job chiante, qui demande de la concentration, ce qu'on n'a pas lorsqu'on est jeune mère. Un bébé ou un enfant nous interrompt constamment.
La conciliation travail-famille est loin d'être atteinte, même au Québec. J'aimerais bien visiter les pays scandinaves pour voir comment les femme s'en tirent là-bas. Parait-il que les femmes y sont très bien organisées. J'ai déjà lu que toute entreprise de plus de 5 employés doit fournir une garderie en milieu de travail! Pas eu le temps d'aller vérifier si c'est vrai…
C'est sûr que de voir son enfant croquer une petite fève verte directement au jardin, encore chaude du soleil qui lui a plombé dessus, c'est un plaisir, mais ce plaisir est le fruit d'un certain sacrifice. Je ne suis pas certaine que l'abnégation n'est pas une vertue propre à la maternité et non pas à l'entrée en religion. Probablement que les «bonnes soeurs» avaient plus la paix au couvent qu'au milieu d'une famille, que le rythme de la prière et des repas sonnés par la cloche est plus reposant que le cinq minutes de silence atteint alors que mari et enfants mastiquent un rapas réussi (watch-out les 5 minutes de folie qui suivent le dit repas!).
Tout ça pour dire qu'élever des enfants c'est déjà dur et que quand on aime sa job, on ronge son frein, impatiente de retourner aux champs ou à la traite. J'ai perdu mon équilibre et autant que j'aime mes enfants, j'ai besoin aussi d'aller jouer dehors et j'ai besoin aussi d'avoir une maison propre et j'ai besoin aussi, parfois, de me sentir au dessus de mes affaires, ce qui est rare. À part me clôner, je ne vois pas d'autre solution que de couper les coins ronds un peu partout: une maison moins qu'impeccable, des moutons qui ont les onglons retroussés comme des babouches, une comptabilité approximative, des enfants pas toujours bien peignés et habillés, des oublis à l'épicerie.
J'me sens comme une machine imprimante-scanner-photocopieuse-fax. Pas trop bonne à faire aucune de ces tâches très bien. Ça a l'air bien beau sur la boîte, mais ça fait ce que ça peut.
Ma seule consolation c'est que moi c'est temporaire, que je vais retrouver un certain équilibre et que, fait rare, quand mes enfants vont débarquer de l'autobus scolaire, ils auront une maman, des biscuits et un sourire, ce que beaucoup de petits n'ont pas aujourd'hui. Il y a des sacrifices qu'on sait pour quoi on les fait.

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