Monday 30 December 2019

2019

Inspirée par mon amie Monique Lo, que je ne fréquente pas assez, voici, en vrac, un aperçu de ce que j'ai vécu en deux mille dix neuf. J'ai/je:

Testé un engrais vert de mélange à oiseaux
Mis fin à une relation toxique
Covoituré
Rêvé d'entreprise
Accordé ma confiance à quelqu'un qui ne la méritait pas
Initié des projets de long terme
Fait inventorier ma forêt
Voté
Parlé aux arbres
Inscrit ma cadette au cirque
Secouru un cheval
Célébré les douze ans de mon ainée
Me suis impliqué sur un comité
Pris l'habitude de traîner mon kit à pique nique en réunions
Encouragé mon ainée au soccer
Sifflé pour mes deux filles au cross-country
Contracté une pneumonie
Organisé des Portes Ouvertes
Admiré la campagne anglaise depuis l'Île d'Avalon, que j'ai gravis pieds-nus
Chanté dans le Tor au sommet
Me suis lavé les pieds dans la source de Marie-Madeleine
Aperçu les falaises de craie de l'Île de Wight de loin et me suis promis d'y aller
Traversé des peurs
Affronté des démons
Accueilli des abeilles
Tenu les minutes d'une assemblée générale spéciale
Laissé gagner les mauvaises herbes
Parlé devant public
Aiguisé mon entrepreneurship
Éconduit un prétendant
Entrepris un certificat aux HEC
Cuit des pizzas au four à bois
Expulsé une locataire cauchemardesque
Nourri des chats sauvages
Trouvé des colocs formidables
Siégé au congrès de l'UPA
Consolidé des amitiés
Cousu mes vêtements
Donné à des organismes caritatifs
Entré dans un mouvement coopératif
Pris des risques
Visité des érablières
Mangé des hotdogs dans une école primaire
Montré ma maison d'adolescence à mes filles
Découvert une levure sauvage
Obtenu des notes au dessus de la médiane et au dessus de la moyenne à l'Université
Nagé
Payé les dettes de quelqu'un d'autre
Enlevé des aiguilles d'un porc-épic du nez d'un cheval
Planté soixante-dix mille caïeux d'ail
Rompu
Installé le système de pompage de l'eau du lac au chalet
Exécuté des dernières volontés
Pagayé
Allumé des lampions
Chanté pour des abeilles
Fait des listes
Pleuré
Écouté les oiseaux
Espéré
Joué du steel drum
Renoué avec de vieux amis
Pris le métro
Marché dans le bois
Embrassé le nez d'un cheval
Pris un grand respire pour 2020

Thursday 13 December 2018

Remplir les mots


Je suis comme beaucoup d'autres agriculteurs: le langage et le jargon utilisés par les intervenants, les banquiers et autres professionnels qui gravitent autour de l'agriculture sonnent creux, vides de sens, redondants et cléricaux. Avec tout le cheminement que j'ai fait depuis 14 ans, j'aimerais faire un genre de lexique ou traduction de ces termes rebutants.
Les intervenants parlent un langage différent des agriculteurs, mais ils ne sont pas déshumanisés ni confrontants dans leur nature. Ce sont des gens qui prennent les mesures différemment de nous. 

Mission-Vision-Valeurs sont le point de départ de toute entreprise. Au sortir de la cohorte 3 de la Plateforme en Entrepreneuriat Agricole de l'Université Laval, tout mon groupe était d'accord à propos de cette base incontournable. On entend souvent ce trio et ça ne nous évoque rien. Pourtant, on les vit au quotidien, souvent en prononçant des phrases comme "Moi je ferais jamais ça" ou "C'est contre mes principes" ou "Moi tout ce que je veux c'est…" C'est tout simplement ça les valeurs. Pendant la formation, on n'y est revenu souvent; des entrepreneurs très inspirants (parce qu'ils avaient leurs valeurs à la boutonnière!) sont venus nous parler de leur parcours. Les décisions parfois difficiles qu'ils ont eu à prendre ont confronté leurs principes. Les meilleures décisions qu'ils ont prises étaient en accord avec, c'est aussi simple que ça. Il est donc primordial de s'interroger sur ce qui nous a guidés par le passé dans nos décisions pour y trouver quelque chose en commun. Dans mon cas, lors de tests psychométriques pendant la formation et pendant toute la durée du programme, j'ai eu l'occasion de constater que la loyauté occupait une place importante dans mes décisions et dans mon souci de perception des autres à mon égard. Ceci veut dire que je n'aime pas butiner de fournisseur en fournisseur, par exemple, mais construire et entretenir des relations d'affaires à long terme. J'ai aussi un grand souci d'authenticité et de craftmanship, ce qui veut dire que je vais résister à planter de l'ail productif (beaucoup de caïeux par bulbe pour multiplier plus vite) parce que mes clients n'aiment pas les petits caïeux plats et que la plupart du temps ces variétés ont beaucoup moins de goût. Je ne veux pas non plus revendre de la marchandise, mais vendre ce que j'ai cultivé moi-même. Ces principes-là guidaient donc inconsciemment mes décisions, mais la plateforme m'a permis de réaliser qu'elles existaient et de le mettre par écrit. Certains pourraient penser qu'il n'est tout simplement pas rentable de cultiver de l'ail à quatre caïeux, mais il y a de la place pour toutes les valeurs dans une entreprise. C'est pour ça qu'il est si important d'identifier nos principes. 

Par les mêmes exercices, j'ai pu constater (sur le continuum entrepreneurial, une illustration des tempéraments humains en affaires - voir photo jointe) 
que j'étais une artisane, quelqu'un qui crée. En agriculture, ceci se traduit par l'envie de créer des produits fins, d'exception, de niche. Ça veut aussi dire que j'ai réalisé que je n'avais pas le talent pour vendre ces produits et que plutôt que de me battre et perdre du temps à devenir bonne vendeuse, j'avais à m'entourer des bonnes personnes pour la mise en marché. Il n'y a pas de honte à cela. Tout au long de notre évolution pendant la Plateforme, de nos prises de conscience parfois même de nos épiphanies (!) nous avons constaté que tous les entrepreneurs que nous avons rencontrés n'étaient pas bons dans tout. Sauf que c'est eux qui pilotaient le bateau. J'ai donc mis mon sentiment d'inaptitude de côté quand j'ai rencontré la personne pour m'aider à mettre en marché mes produits et lui ai avoué DÉTESTER faire les marchés publics. C'est important d'avouer ce qu'on aime et qu'on n’aime pas! Ça change tout! Oui j'aime créer des produits fins, mais je n'irai pas faire du "Bonjour, Madame" dans un marché de Noël! Ça aide énormément la personne qui m'aide à cerner pourquoi et comment on va vendre mes produits. Les "intervenants", "dispensateurs de services" et autres "personnes ressources" sont des humains qui ont aussi des valeurs, une mission et une vision dans leur travail, même s'ils sont à l'emploi d'autres personnes. Tout le monde est plus humain quand on prend le temps de voir les choses sous cet angle. J'invite donc les personnes qui me lisent aujourd'hui à s'interroger sur leurs principes et dans un prochain billet, j'essaierai d'expliquer concrètement c'est quoi la Mission et la Vision.

Monday 23 April 2018

C'est le printeeeeeemmmmps! Oui, oui, le vrai! Celui qui fait qu'on met le nez dehors et qu'on renifle l'odeur de la terre qui dégèle, que nos oreilles entendent des chants d'oiseaux nouveaux, qu'on ressent le soleil sur la peau. Enfin! Ça veut aussi dire que beaucoup de travail m'attend et qu'il faut me mettre en branle.
À l'automne 2017, j'ai réussi à planter au dessus de 100,000 caïeux d'ail sur plus d'un hectare, mon chiffre magique.
Hier, 22 avril, je suis en tournée à Saint-André-Avellin, où j'ai planté .7 hectare dans un loam sableux qui reçoit 2450 unités thermiques.
Alors qu'il y a encore de la neige chez-nous à Mont-Laurier, l'ail de Saint-André-Avellin a un beau 10cm de racines et une pointe verte qui germe. Je l'ai renterré en remerciant les Dieux pour la survie à cet hiver détestable que nous avons eu (pour mes amis Français: nous avons eu un automne pluvieux, peu de neige en décembre, des froids extrêmes autour des fêtes de fin d'année, genre -30 degrés Celcius, et un redoux de janvier qui a mis la terre à nue, de la pluie, du gel et puis c'est resté comme ça plusieurs semaines-avec de la glace). L'ail prouve une fois de plus qu'IL (je dis toujours "elle") est plus tough qu'on pense.
Le défi de 2018 sera de suivre l'évolution de l'ail sur deux fermes à 172 km de distance, récolter l'ail de Saint-André pour le transporter à Mont-Laurier, où il ira se faire conditionner et sécher dans mes nouvelles installations.
Les analyses de sol à Saint-André sont très bonnes, mais celles de Mont-Laurier sont pauvres. Les analyses de 2014 avec lesquelles je travaillais faisaient état d'un sol riche et ça faisait du sens, avec le fumier de moutons dont je disposais. Les analyses d'un nouveau laboratoire sont revenues très pauvres! C'est alors que j'ai mandaté un 3e laboratoire pour en avoir le coeur net: pauvre. N'ayant pu réagir à l'automne, je dois donc rectifier la situation par des solutions en applications foliaires. De nouveaux produits sont donc à l'essai. Comme je suis sous régie biologique, mon choix de produits s'est tourné vers des biostimulants forts en azote, à base d'algues surtout. Je rendrai compte des résultats à la fin de la saison.
Ma bergerie n'ayant pas été curée depuis l'abandon de l'élevage, ce précieux fumier sera composté rapidement et épendu sur mes parcelles.
La nouvelle pratique sera d'utiliser les engrais verts complexes de pleine saison entre les années en ail. Ça aussi sera documenté et les résultats seront publiés en fin d'année.
Tout ça pour dire que l'abandon d'une activité ne veux pas dire moins de travail, au contraire, mais plus de bon travail au même endroit, ce qui s'appelle le focus, ou mise au point.
Sur ce, je souhaite une excellente saison 2018 à tous mes collègues agriculteurs! À bientôt. Anouk

Thursday 14 September 2017

Tranche de vie d’un éleveur… qui décroche!

Mardi, 10 septembre, je quitte la ferme pour aller chercher 8 boîtes de viande à Thurso. Oui, je sais, c'est loin de Mont-Laurier. J'achète un rouleau de Thermofoil™ pour emballer ma viande là-bas, pour ne pas briser la chaîne de froid en revenant. J'apporte mon tape-gun et mon chéquier. Je devais combiner ce voyage avec un achat de semence d'ail, qui a été reporté. Je fais donc quelques 300km et "scrappe" ma journée pour aller faire ça. Juste ça. Alors que j'ai le vibro à passer et un guizillion d'autres affaires à faire. L'abattoir conserve ma viande depuis 2 semaines dans ses congélateurs et a besoin de place et une cliente s'impatiente. Cette dernière est venue visiter ma bergerie au début de l'été. Elle a choisi un agneau jeune, pour pas que ça goûte trop fort (what's the point, cliss) et un deuxième à partager avec une amie. J'explique à la cliente que mon abattoir de proximité local (je suis membre de la coopérative) étant en relâche pour l'été et une boucherie étant intéressée par une carcasse, j'organise un abattage à Thurso. Oups! C'est les vacances. Ça ira après. Après, le transporteur a pas un voyage assez plein pour justifier un transport. On attend la semaine suivante. Finalement, le client-boucherie va passer son tour. Pas grave, mon abattoir de proximité pouvait pas de toute façon (on ne peut pas mettre en marché une carcasse issue d'un abattoir de proximité dans le réseau des boucheries ou des restaurants - HRI). Je finis par envoyer mi-août. Le débitage des carcasses se fait la semaine suivante. Quand c'est prêt, je décide de combiner un voyage à Thurso avec autre chose. Ça marche pas. L'abattoir met de la pression. J'y vais. Pour passer une soirée avec mon chum, je mets toutes mes boîtes dans son congélateur. Le lendemain, je dois tout remettre en place. Je rentre le mercredi soir.
Aujourd'hui, alors que j'ai fait des pieds et des mains pour récupérer ma viande, la cliente m'appelle, frustrée, en me disant qu'elle ne prendra pas sa commande! Elle a attendu trop longtemps (je lui avais expliqué que c'était difficile, l'été, pourtant) et la chasse s'en vient de toute façon, que ça va (si tu frappes, Madame) prendre de la place dans le congélateur. Elle m'a fait faire des coupes spéciales, en plus. Bien sûr, tous ces délais tombent sur mon dos! J'ai le dos large. Et pour plusieurs choses, ça me glisse dessus comme la pluie sur le dos d'un canard. Mais là, toutes ces simagrées, c'est à cause des "lois et règlements en vigueur".
J'annonce à tout le monde que je lâche la production. Tout le monde est déçu. Bâtard! Les agneaux envoyés en août sont nés en mars, ont bu le lait de leur mère puis du foin de qualité, fait ici, avec toutes les machines "réguines" que ça prend, le stress de la température, l'organisation avec l'ex, les enfants, l'enrobeuse en CUMA qu'il faut charrier. Ils ont mangé l'orge fait ici, pour ne pas soigner au maïs ni au soya ogm. J'ai beaucoup de compliments sur la qualité de ma viande. C'est ben beau, mais on ne se rend pas compte que TOUTE L'ANNÉE, à Noël aussi, quand y fait -28˚C et de la poudrerie, faut que je parte le tracteur pour aller chercher une balle de foin dans le boudin et le soigner. Surveiller les premières naissances. Épier les signes de mauvaise santé. Faire tondre. Tailler les onglons. Ajuster la ventilation. Vous me direz que je l'ai choisie, cette vie, et vous aurez raison. Vous me direz que je n'ai qu'à suivre la recette du trois-agnelages-aux-deux-ans-de-brebis-prolifiques-maternelles-avec-bélier-terminal-agneaux-engraissés-à-la-moulée-protéines+maïs+soya-et-vendre-à-l'agence-de-vente et vous n'aurez PAS raison. Cette recette a sa place pour le supermarché, mais pas à qui veut une viande proche de sa nature. Les moutons sont des herbivores. Ils ont un cycle de reproduction comme le chevreuil. Leur viande est fine et délicate quand l'animal a mangé selon sa nature. Mais puisque la mise en marché de cette viande en région éloignée est un aria du câli.... et que je dois y mettre 365 jours par année pour 16$/kg carcasse du "produit" de tous les animaux reproducteurs chouchoutés toute l'année, produit bouclé-élevé-abattu-débité-emballé-transporté-congelé JE ME RÉSIGNE À CESSER LA PRODUCTION. Ma cliente est frustrée. Mes clients réguliers sont frustrés. Je suis frustrée. Et épuisée.

Saturday 19 August 2017

Par en avant.

Nous voici arrivés à la période des récoltes, là où ENFIN les agriculteurs commencent à voir l'argent rentrer pour payer tout le nécessaire à produire qu'ils se sont fait "fronter" depuis le printemps. Si la récolte est poche, il restera un solde, qui sera reporté dans la prochaine année de culture, sur la prochaine paye. Quoi? Ben oui: l'on peut comparer qu'un agriculteur (qui n'est pas sous gestion de l'offre) n'est payé qu'à commission (rendement), peut-être 3 fois par année (bonjour la gestion du budget!) et travaille 7 jours sur 7 toute l'année, soirées et fins de semaines inclues (fatigués?). La gestion est une part ÉNORME de son travail, en plus de celui de produire. Les interruptions sont nombreuses, éteindre des feux est quotidien, jongler avec les comptes payables et le crédit un sport, l'épuisement est insidieux, mais on peut pas être malade alors on dit au corps de se taire et on continue sur le manque de sommeil, éreintés que nous soyons, "running on empty".
Heureusement, on brise l'isolement en s'offrant les services de gens compétents au travers du Réseau Agri-Conseils et on travaille main dans la main pour sortir de notre coquille, mettre la méfiance de côté (réflexe de protection) et on se projette sur le marché avec une idée neuve. Elle sera certes copiée, chahutée ou encensée, mais l'important c'est que l'argent soit au rendez-vous! Et ça, ça veut aussi dire qu'il y a des choix à faire.

Dans mon cas personnel, j'ai dû prendre la décision de laisser tomber une production: l'élevage des moutons, que j'accomplissais depuis 12 ans. Un deuil. 
Je ne serai plus Madame Moutons. Je serai Madame Ail. Toute mon énergie est maintenant dirigée vers l'atteinte d'une production considérable de bulbes, mais de les vendre au meilleur prix, dans des marchés de niche choisis, appuyée par un cabinet d'experts en mise-en-marché, en coûts de revient, en génie d'entreposage postrécolte, en transformation bioalimentaire, en agronomie. Mes mentors sont fiers de moi, de mes décisions, de mes nouvelles orientations, de mon nouveau souffle d'enthousiasme.
Bientôt, les Portes Ouvertes sur les Fermes du Québec, seront l'occasion de relaxer entre nous une fois la visite partie. Ces fins de journées où les bénévoles et producteurs socialisent sont une rare occasion de prendre des nouvelles de tout le monde et de discuter. Un "parvis de l'église" qui n'arrive malheureusement qu'une fois par année. C'est l'échange et le partage. Comment va le moulin à farine à Kiamika? comment l'asclépiade s'implante-t-elle à Lac-du-Cerf? as-tu confiance que la récolte d'épeautre bio sera bonne à Ferme-Neuve? Ah, tu vends tes moutons? J'ai vu sur Facebook que... etc. Quand les réponses sont négatives, inévitablement, par résilience engrainée et héréditaire, on entend des cultivateurs dire: On va essayer de faire mieux l'année prochaine! On est pas pour brailler! Qu'ess tu veux faire? On a tellement eu d'eau! et autres constatations. Oui, l'hiver va arriver, puis un printemps et un autre été. Eh oui, la prochaine paye est loin. C'est une long shot. 2 bandes, cross-coin la 8 dans le side. On call la shot pareil. On calcul nos angles, on met du bleu, on se concentre, on vise, on retient notre respiration un instant et pouc! Des fois on crie au miracle parce qu'on l'a eu! Desfois on se satisfait d'avoir pas frappé trop fort et la 8 est devant son trou, prête pour la prochaine shot. Je m'égare.
Tout ça pour dire qu'être agriculteur est pas une job facile. On le fait par vocation, beaucoup. Quand on réussit à gagner plus qu'il nous en a coûté, on efface tous les soucis, on passe l'éponge sur tous les efforts, la sueur, les inquiétudes, les feux: on est rétribués! On a le pas léger, le sourire plus facile, l'air rentre mieux dans les poumons. Aémlie Poulin qui marche sur le Pont-Neuf avec ce petit je-ne-sais-quoi dans l'air et rend parfaitement heureux, en symbiose, en harmonie avec tout l'univers. Le sentiment de ne pas travailler pour rien. De pouvoir même passer à une autre étape. L'année prochaine.

Sur ce, le 10 septembre, Bonnes Portes Ouvertes à tous!

Saturday 19 December 2015

Toujours là!

Cela fait très longtemps que je n'ai pas écrit. Le temps me manquait. J'ai frisé le burnout au printemps 2015 et mon médecin m'a bien fait comprendre qu'il fallait que j'en fasse moins, car le vrai burnout est terrible. Je l'ai écouté. Tranquillement, j'ai dû laisser tomber des activités, des responsabilités, j'ai dû négliger certains aspects de ma vie et regarder ailleurs. Toute l'année a été très dure et j'ai passé mes journées, du matin jusqu'au soir, à travailler, malgré les décisions prises. Au mois d'août, après deux ans de séparation d'avec le père de mes deux filles, j'ai rencontré un autre agriculteur qui travaille autant que moi. Malgré la taille de sa ferme, il tire le diable par la queue. Maintenant nous sommes deux à vouloir sauver nos deux fermes familiales.
Au printemps à la suggestion de mon beau-frère qui s'occupe de ses entreprises en vrai champion, j'ai commencé à travailler avec le conseiller senior à mon CLD (pour mes fans européens, ceci est le Centre Local de Développement). Il m'a fait faire une réflexion en profondeur sur mes activités et mon entreprise. Je me suis prêtée aux exercices qu'il m'a proposés et j'ai enfin discerné dans tout ma noirceur, un portrait. Le portrait d'une entreprise rentable, efficace, agréable à diriger. De l'espoir. Un plan. Des étapes. Des démarches. J'envisage l'avenir plus sereinement, je marche d'un pas plus allègre, d'autant que j'ai mon «habitant», comme je l'appelle avec toute l'affection du monde.
En 2016, donc, pas de légumes. Enfin pas pour en vendre. Bien sûr que je sèmerai quelques carrés de potager pour la famille, mais le gros potager, lui, sera en jachère.
L'autre gros coup dur de l'année 2015 est que j'ai perdu la totalité de mes 21,000 plants d'ail dû à deux maladies fongiques (des vilains champignons, le botritys et le fusarium) et une bactérie qui porte un nom digne d'un grand scotch: burkholderia gladioli. Avec le soutien de ma famille, du backup financier, d'une émission de radio (Bien dans son assiette du 13 août) qui m'a apporté une offre de semences et des «planteux» pour m'aider, j'ai pu replanter cet automne 40,000 caïeux. Avec le temps doux, l'épandage de la paille n'est pas terminé, car on patauge dans la boue, mais un bon couvert de paille est de mise avec l'hiver mi-figue, mi-raisin que l'on nous annonce. Comme je ne mettais plus de paille sur mon ail depuis 2 ans, une hypothèse émise est que l'ail est «stressé». Comme nous lorsque nous sommes plus fatigués, déshydratés, surmenés, nous attrapons plus facilement des petits virus comme le rhume, l'ail stressé est plus sensible. Les conditions météo ont été favorables aux champignons indésirables et ils se sont attaqués à ce qu'il y avait de faible: mon ail. Je la chouchoute donc cet hiver avec une belle couverture de paille, une autre contribution de mon infatigable Chéri.
Pas de semis à faire ce printemps veut aussi dire plus de temps pour vraiment mettre la main à la pâte lors de la saison des sucres. Comme plusieurs d'entre vous le savent, Bernard, mon bras droit sur la ferme, entaille du bouleau depuis quelques années. Outre le sirop de bouleau, il fabrique aussi un réduit à mi-chemin du sirop, qu'il vinifie. Le produit en soi est déjà intéressant, mais le vin, très foncé, est inoculé avec des mères de vinaigre qu'il a développées au fil des ans et le vin vire au vinaigre. Le résultat étant proche du vinaigre balsamique italien en terme de douceur et de goût, j'ai commencé à le vendre au marché public et par bouche à oreille. Des projets de développement de ce côté font partie du nouveau plan de match.

Les moutons sont rentrés du pâturage, ils sont tondus et les derniers abattages envoyés chez le boucher attendent leur acquéreur au congélo. Les brebis les plus prolifiques montrent déjà de grosses, grosses bedaines et le premier bébé arrivera comme toujours, entre Noël et le jour de l'An. J'ai encore beaucoup, beaucoup de choses à faire avant l'hiver, mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, je fais des biscuits. Une tradition familiale avec mes filles. Le reste attendra.

Saturday 15 September 2012

Chaux les marrons!

Je viens de lire l'article de La Presse d'aujourd'hui «La crise alimentaire imminente» de Marie Allard (incapable de vous trouver le cyberarticle, mais c'est dans La Presse du samedi 15 septembre, cahier A, page 24).
En exergue: «Un million d'hectares des terres agricoles du Québec - sur trois millions - est en friche».
On parle dans l'article surtout des céréales. Être agriculteur, c'est désespérément pas payant. La capitalisation et les investissements sont énormes. Les meilleurs arrivent à faire kif-kif. Si on veut revaloriser le territoire, faudra prendre des décisions.
Jean-Martin Aussant, chef d'Option Nationale, voulait nationaliser les ressources naturelles. Faudrait peut-être mettre les subventions au bon endroit. Dans mon cours de Gestion de l'entreprise agricole, on m'a enseigné qu'il faut d'abord avoir des champs en santé. Pour ça, ça prend avant toute chose, avant même d'engraisser le sol, un bon pH. Un sol, ça s'acidifie avec le temps. La chaux alcalinise le sol. Il faut le faire périodiquement et faire des analyses de sol. Le problème, c'est que la chaux peut se vendre 30$ la tonne à Sorel et 65$ la tonne à Mont-Laurier. Un sol en santé est garant d'un bon rendement. Parfois la différence entre 1/2 tonne à l'acre et 1 tonne 1/2 à l'acre de céréales. Faudrait commencer par là. Pourquoi le Québec ne serait-il pas propriétaire de carrières de chaux et pourquoi le transport ne serait-il pas aplani entre les régions, comme le transport du lait? 45$ la tonne pour tout le monde, partout au Québec!!! Des champs en santé, de la productivité, de la revitalisation, de la relève, de la rentabilité. Et pis tant qu'à y être, pourquoi ne pas subventionner les analyses de sol et l'épandage de chaux? 50% tiens. Moitié-moitié l'état et le cultivateur. Vous pouvez être assurés que les mines fourniraient pas pis que le tonnage augmenterait de façon fulgurante!
Ensuite, pour l'élevage, ça prendrait un abattoir de type A dans chaque région. Ainsi, nul besoin d'aller revirer à Terrebonne quand on est à Mont-Laurier. Ça, ça encouragerait les petits élevages. Petit élevage rentable grossit. Moyen élevage rentable grossit. Gros élevage rentable fournit des emplois durables et assure une relève.
Me semble que c'est pas si compliqué à faire?
On loue une terre qui est plus sablonneuse et qui a fourni un piètre rendement d'avoine la semaine dernière. On a pas l'argent pour la faire chauler. On doit réduire le troupeau de moutons pour faire un petit revenu pour payer des pneus neufs en arrière au tracteur pour faire les labours. 5 000$. On va donc avoir moins de fumier à épandre et moins de revenus l'an prochain. Faudra soit aller travailler à l'extérieur ou trouver de nouvelles idées pour survivre. Juste survivre. C'est par normal. L'article d'aujourd'hui parle de besoins de 70% de plus de production agricole. C'est juste avec des sols en santé qu'on va pouvoir faire ça. Y'a un million de terres en friche qui ne demandent qu'à produire. Va falloir s'en donner les moyens. Pis vite.