Wednesday 9 November 2011

Je n'ai pas de couilles.

Titre choquant s'il en est un, puisque je suis une femme, il fait référence à l'émasculation (figure de style) des agriculteurs depuis seulement une génération. Aujourd'hui, être agriculteur c'est acheter des semences, les faire pousser et vendre les récoltes et recommencer l'année suivante. Les prix des intrants  étant hors du contrôle de l'agriculteur. Pareil pour les animaux. J'achète des poules pondeuses tous les 2 ans, les nourrit de moulée achetée et vend mes oeufs à la ferme. C'est pas des oeufs très «fermiers». L'agriculture est devenue tellement compartimentée qu'il y a maintenant des couvoirs qui ne font que faire naître les oisons et les vendre. Ensuite des éleveurs qui achètent de la moulée toute faite, «équilibrée», les nourrissent quelques semaines et les font abattre. Les abbatoirs sont loins, j'en ai déjà parlé dans un blog précédent. En tant qu'agriculteur, je n'ai pas le droit d'abattre moi-même mes animaux. Relisez cette phrase et dites-moi ce qui ne va pas? Un agriculteur n'a pas le droit d'abattre lui-même un animal, surtout pas pour le revendre! Mais c'est son gagne-pain! Si on veut que les campagnes sortent de leur torpeur, il va falloir 2 choses: internet haute-vitesse jusque dans le fond du rang St-Clin-Clin et un abattoir dans chaque MRC. Sinon, comme en Europe, un vétérinaire à la retraite ou un inspecteur prend rendez-vous avec l'agriculteur pour le jour de l'abattage et supervise la façon de faire, sur place, pour s'assurer que la bête est bien saignée, avec un couteau propre, que tout l'éviscérage est fait dans un temps x et que la bête est pendue dans un réfrigérateur en dedans de x temps. Là, enfin, on verra de petits élevages de 25 Chanteclerc, 30 lapins ou 3 vaches à boeuf partout dans les campagnes. En ce moment moi, si j'ai de trop petits groupes d'agnelages et que je n'ai que 6 agneaux de prêts pour l'abattage, je dois perdre une journée pour aller les porter à Terrebonne et perdre une journée pour aller les chercher avec un camion ou une remorque réfrigérée (que je n'ai pas). Si je pouvais abattre chez nous j'irais porter mes carcasses immédiatement chez le boucher plus loin sur le rang et j'irais chercher mes boîtes pour mes clients quand ce serait prêt et ne perdrais qu'une heure en tout et pour tout, incluant la conversation d'usage avec le boucher (incontournable quand on sort pas souvent de chez soi).
Faire boucherie était, jusqu'à une époque récente, un événement familial où tout le monde participait. Aujourd'hui c'est illégal. Tous les producteurs laitiers et leur famille boivent le lait du réservoir, ce qui techniquement ne devrait pas arriver parce que le lait aussitôt tiré appartient à la Fédération. Verra-t-on un jour les valves des réservoirs ouvrables seulement par le collecteur de lait? Est-ce qu'un producteur laitier sera soumis à boire du lait altéré plutôt que le lait direct de sa tinque?
En principe je peux tout faire, mais pas le vendre et c'est là le hic!. Pour vivre d'agriculture il faut vendre. Je peux élever 6 lapins, 12 cailles, 3 vaches, 50 moutons, 6 cochons et traire une chèvre, mais j'ai pas le droit d'abattre un animal pour en vendre la viande ou vendre du lait que j'ai tiré, ni même transformer quoi que ce soit. Comment voulez-vous que je vive? Je dois m'adapter à tous les 6 mois à des changements de règlements et des revirements de situations et je me faire dire que je devrai m'adapter. Aucune autre industrie ne doit s'adapter aussi fréquement et aussi souvent que la nôtre. Sur ce, comme je dois réviser deux autres entrées au blogue (il pleut - mais je n'ai quand même pas le temps de passer l'Antidote) je vous quitte. Un peu de lecture:
http://redtac.org/possibles/2010/09/11/pouvoir-municipal-et-gestion-du-territoire-agricole/

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